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Chronique Livre :
Avant la bataille de Bruno Arpaia

Chronique Livre : Avant la bataille de Bruno Arpaia sur Quatre Sans Quatre

 photo : ruines maya de Uxmal, visitées par Malinconico durant son périple mexicain (Wikipédia)


L'extrait

« En maudissant mes deux collègues je suis allé me laver. L'eau puante que le robinet débitait au compte-gouttes ne m'a pas poussé à de grandes ablutions. Quand j'ai levé les yeux j'ai vu dans la glace les traits déformés, inquiets, de quelqu'un que j'aurais pu croiser dans la rue en éprouvant de la pitié pour lui. Je me suis senti piégé dans le visage d'un homme que j'aurais aimé de ne pas être.Et comme toujours dans les moments de tristesse j'ai pensé à Lidia. Dehors, dans la rue, le ciel était d'une immobilité surprenante. Du lit, un bras sous l'oreiller, Christine m'a demandé l'heure en se plaignant que la lumière de la salle de bain et le bruit de l'eau l'avaient réveillée. J'avais déjà compris depuis un bout de temps que ce serait une journée merdique. »


Le pitch

Alberto Malinconico revient sur le tout début de sa carrière de commissaire de police à Naples. Sa première affaire qui remonte au milieu des années quatre-vingt. Le mort est un écrivain un peu connu, Rispoli, qui a été heurté par un camion alors qu'il était au volant de sa voiture. Accident ? Peut-être, sauf que Rispoli a décrit précisément cette mort dans un de ses romans et qu'il s'était mis depuis peu à fouiner dans les quartiers sordides de Naples.

Malinconico est un ancien activiste d'extrême gauche arrivé dans la police par une sorte de concours de circonstances. Il est déterminé à avancer dans son enquête d'autant plus que la veuve de Rispoli, la belle Micaela le trouble énormément au moment où sa relation avec son amie Lidia bat sérieusement de l'aile. Il est persuadé qu'il s'agit d'un assassinat et va aller fouiller les mêmes quartiers chauds que Rispoli.

Pas de chance! Alors qu'il récolte des indices importants, il est envoyé au Mexique pour traquer un capo mafieux qui vient de s'évader et qui a été repérer là-bas. Il sera assisté par deux correspondants locaux d'Interpol pour le moins mystérieux et va, paradoxalement prendre du recul tout en plongeant les deux pieds dans son enquête... 


L'avis de Quatre Sans Quatre

Bruno Arpaia nous ballade autant que son héros, d'un continent à l'autre, de la saleté des ruelles napolitaines à la touffeur du Mexique, il fouille les état d'âme d'un héros qui, obstiné, malgré les embûches, poursuit son idée avec clairvoyance.

Malinconico peut en avoir des états d'âme : passer de fer de lance du prolétariat à bras armé de l'état, défenseur de la loi bourgeoise peut laisser des séquelles. Il faut digérer le grand écart et remettre ses idées en ordre de marche, même au prix de sa vie sentimentale. Sa valse hésitation des sentiments, son refus de s'investir dans une relation durable sonnent comme l'aveu qu'il ne veut pas admettre que le changement est définitif, qu'il n'est plus celui qu'il a été et qu'il doit désormais composer, ou du moins sembler composer, avec sa hiérarchie, les magouilles et la lèpre mafieuse qui rongent Naples.

Avant la bataille est plus le chemin d'un homme, d'un passage précis de sa vie et d'une prise de conscience de la décrépitude de son environnement qu'un polar au sens strict du terme. Le roman est drôle, amer, tendre, révolté, jamais mièvre ou larmoyant. Il est habité par une sorte de nostalgie, certainement celle qui hante l'esprit du héros lorsqu'il se remémore ses débuts et ses doutes.

De la belle littérature, de celle qui parle des hommes et de leurs tourments existentiels mine de rien, en parlant d'autre chose mais qui touche juste. Des hommes et des villes, surtout quand elles sont aussi complexes, secrètes et multiples que Naples.

Avant la bataille sonne comme une hésitation, une dernière, balayée par la réalité, qui fera du commissaire l'homme qu'il va devenir. Un dernier doute avant la guerre, un regard en arrière avant le saut définitif...


Notice bio

Bruno Arpaia est né en 1957 à Ottaviano, dans la province de Naples et vit aujourd'hui à Milan. Traducteur de littérature espagnole et latino-américaine, conseiller éditorial et journaliste, il est l'auteur de six romans, dont deux parus en France aux éditions Liana Levi : Dernière frontière (2002) er Du temps perdu (2003).


La musique du livre

Comme le dit Malinconico, « pour moi, la musique avait fini en 1978 », ce qui l'amène à passer des vinyles évidemment, en particulier The Court of the Crimson King des King Crimson et à évoquer Van der Graff Generator dont nous écoutons Whatever would Robert have said.

Avant la bataille – Bruno Arpaia – Liana Levi – 151 p. février 2015

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