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Chronique Livre :
BRUTALE de Jacques-Olivier Bosco

Chronique Livre : BRUTALE de Jacques-Olivier Bosco sur Quatre Sans Quatre

photo : Pixabay


Le pitch

Elle est jeune. Elle est belle. Elle est flic. Elle est brutale.

Des jeunes vierges vidées de leur sang sont retrouvées abandonnées dans des lieux déserts, comme dans les films d'horreur. Les responsables ? Des cinglés opérant entre la Tchétchénie, la Belgique et la France. Les mêmes qui, un soir, mitraillent à l'arme lourde un peloton de gendarmerie au sud de Paris.

Que veulent-ils ? Qui est cet « Ultime » qui les terrorise et à qui ils obéissent ?
Face à cette barbarie, il faut un monstre. Lise Lartéguy en est un. Le jour, elle est flic au Bastion, aux Batignolles, le nouveau QG de la PJ parisienne. La nuit, un terrible secret la transforme en bête sauvage. Lise, qui peut être si douce et aimante, sait que seul le Mal peut combattre le Mal, quitte à en souffrir, et à faire souffrir sa famille.


L'extrait

« Sa propre nuit.
Ses doigts caressent doucement la tige de coffrage en acier de quarante centimètres de long qu'elle a glissée dans sa botte. Sa matraque préférée.
Le corps recouvert de cuir noir voûté sous la pluie, les mains en crochet devant elle et la salive sèche au bord de la gorge comme un appel à la faim, la Bête ressemble à une bête. Mais, dans sa tête, elle préfère se traiter de Monstre.
Le Monstre se redresse, un éclair déchire la nuit en même temps que le tonnerre secoue l'univers, en se reflétant sur la laque de son casque noir. Il se laisse glisser le long d'une gouttière pour atteindre le goudron luisant et s'accroupir.
Les quatre hommes viennent de pénétrer dans un immeuble aux fenêtres murées de briques grises voilées de pluie. Ils ont emprunté une ouverture de cave qui passe entre deux tertres d'herbe sale, une bouche emplie d'ombre qui les avale un à un. »


L'avis de Quatre Sans Quatre

Cette flique là, les gars, elle est terrible ! Lise Lartéguy sent le Dexter à plein nez, le psychopathe en série TV incarné par Michael C. Hall : les envies de meurtres, le code, le père qui tente de mettre des garde-fous pour canaliser la violence de sa fille vers des mauvais sujets, le frère gendarme... Mais la ressemblance s'arrête là. Lise Lartéguy n'est pas psychopathe, elle est déchirée totalement entre ses différentes pulsions. Ce n'est pas de tuer dont elle a besoin, pas de trophées, c'est d'expurger la haine et la rage qui l'habitent. Elle maltraite son corps, le pousse à ses limites, plus loin encore, le came, le saoule, l'offre à qui veut ou presque. Elle a besoin de jouir et d'avoir mal, de cogner, de blesser pour se sentir un peu moins oppressée. De nourrir la bête qui la ronge et cet animal-là ne boit que du sang et de la souffrance.

Lise est brutale, sauvage, sans pitié, mais elle souffre, terriblement. Solitude de celle qui est différente, lutte permanente contre ses démons qui lui vrillent les tripes, contre son besoin d'expulser la hargne, de voir le sang du mal couler, de se confronter à lui comme pour s'assurer qu'elle est du côté du bien. Sur sa moto, comme dans sa vie, comme dans son métier, elle roule en permanence sur la ligne jaune, à fond, à mort. Ça dérange, ça agace, par contre, pour les résultats, il n'y a rien à dire. Et puis elle est protégée par son parrain, Boisfeuras, directeur du service actif de la police, toujours prêt à sauver ses fesses après ses incartades. Il en a fait la promesse à son meilleur ami, le père de Lise.

Dans la boîte « famille », on trouve ce père, guide et mentor, grand flic décédé en service, une mort stupide à créditer sur le compte culpabilité de Lise, une mère qui ne veut plus la voir, un frère qui ne la comprend pas. Solitude, encore, toujours. Alors elle agit seule, par goût, par poussées d'adrénaline incontrôlable, par inconscience, et ce comportement, même couvert par ses collègues les plus proches, la met souvent en danger de mort. Peu importe, elle aime les gnons, les bleus, les plaies et les bosses, c'est ainsi qu'elle se sent vivante et elle a besoin d'être punie pour continuer à vivre. Expier son adolescence, espoir vain de retrouver la paix de l'âme dans un corps martyrisé..

Lise a le profil parfait pour l'intrigue de ce thriller : elle seule peut tout risquer pour remonter le fil de cette enquête horrible, semée de cadavres de jeunes vierges vidées de leur sang, de rafales de pistolets-mitrailleurs et d'enlèvements. Elle seule peut infiltrer au plus près les gangs russes et tchétchènes qui font de bien étranges affaires. Elle seule peut jouer la dure dans la pègre de haut-vol et y trouver rapidement sa place au mépris de tous les dangers. Elle compte y trouver les contacts dont elle a besoin pour identifier les vampires. Elle qui se consume d'un feu intérieur va nouer une relation plus que trouble avec Le Cramé. Autant Lartéguy se moque des limites de son métier, autant lui est attaché au code du milieu. Ces deux-là devaient se trouver. Camille, son frère, a été grièvement blessé, ceux qui ont fait cela vont payer. Cher. C'est la Bête qui entre dans la danse, plus la policière, il lui faut des réponses. Pourquoi ce sang ? Pour qui ?

Jacques-Olivier Bosco nous embarque dans un récit puissamment motorisé et armé, la poignée des gaz au maximum, l'urgence à chaque ligne, le suspense qui prend à la gorge et la peur page après page. Son Monstre, Lise, est attachant, émouvant, dangereuse, certes, mais quelle amazone ! Un style percutant, vif, enlevé, qui glisse sur l'asphalte et frappe aussi fort que les combattants. Inutile de chercher une aire de repos, il n'y en a pas, une fois dans le trafic du roman, vous irez jusqu'à la fin, captivés, oppressés, avides de découvrir ce qui attend cette héroïne hors norme, sensuelle, teigneuse et redoutable, fragile et vulnérable. Elle tient le roman d'un bout à l'autre, assume son rôle dans un personnage riche et complexe, elle vit le présent avec le poids du passé au pied. Lise cherche la rédemption, elle n'a peur de rien venant des autres, craint tout d'elle et de ses fantasmes. Ne poursuit-elle pas une organisation qui, elle aussi, a besoin de sang frais ? Le parallèle est troublant, Lartéguy est sur la trace de sa part d'ombre, elle ne le lâchera pas, il en va de sa vie.

Un thriller époustouflant, toujours à la limite, au bord la rupture, un personnage de légende, torturé à souhait, dans un suspense ébouriffant. Des scènes d'anthologie, des poursuites totalement folles sur l'autoroute, une bataille rangée sur un bateau – ça, Bosco, il semble aimer, déjà dans Quand les anges tombent, il y avait un cargo -, des bastons homériques, James Bond va en être jaloux !

Le page turner de ce début d'année, la Bête Noire a trouvé sa parfaite représentante !


Notice bio

Jacques-Olivier Bosco est né en 1967. Son grand-père, originaire de Sicile était arrivé en France en 1930 avant de partir en Algérie. La famille reviendra en métropole à l'indépendance de ce pays. Après de nombreux petits boulots, dont scénariste de courts métrages dans les années 90), Jacques-Olivier ouvre un restaurant sur une plage près de Gruissan. Après quelques polars et nouvelles restés dans ses tiroirs, il publie chez Jigal Polar cinq romans policiers, dont Quand les anges tombent (2015), à signaler Loupo, Prix Coup de Coeur Blues et Polar 2014.


La musique du livre

Une bande-originale pléthorique pour cette brutale Lise en fusion, pas loin de trente titres ou albums qui sont répertoriés en fin d'ouvrage. Pas mal de styles et de genre différents, en fonction des lieux fréquentés par Lise ou de celui qui écoute. Une petite sélection pour vous donner une idée. On commence par Johnny Cash que l'auteur considère comme le générique du livre, autant suivre son conseil :

Johnny Cash - The beast in me

Marilyn Manson - This Is The New Shit

Billy Idol - White Wedding

Motörhead - Ace Of Spades

Body Count - Born Dead

Izia - So Much Trouble


BRUTALE – Jacques-Olivier Bosco – éditions Robert Laffont – Collection La Bête Noire – 397 p. janvier 2017

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