Chronique Livre :
Le Chant du Converti par Sebastian Rotella

Publié par Psycho-Pat le 14/09/2014
photo : avenida 5 de mayo - Buenos Aires (Wikipédia)
« Il existe deux sortes de terroristes : les fous furieux, et les mercenaires au sang froid. En l'occurrence, je crois que nous avons affaire aux deux. » (Facundo)
Le pitch
Valentin Pescatore se remet peu à peu de sa rupture avec Isabel et de son éviction de la police des frontières des États-Unis. Il travaille en Argentine, terre d'une partie de ses ancêtres, comme agent de sécurité pour le trouble Facundo, un juif argentin entretenant de nombreux contacts dans le monde occulte des services de renseignements, israélien, entre autres.
Au détour d'une mission, le hasard le met en présence de Raymond, son ami d'enfance, son quasi frère, qui est lui tombé du côté obscur de la force, dealer, petit délinquant, un peu chanteur, un peu escroc. Raymond lui assure en avoir fini avec ces pratiques, s'être converti à L'islam et avoir fondé une famille. Ils ne se sont pas vu depuis dix ans mais les propos sibyllins de son ami commencent à lui suggérer que le hasard n'est peut-être pas pour grand chose dans cette rencontre.
Quelques jours plus tard, trois terribles attentats croisés secouent un quartier commerçant juif de Buenos Aires causant des centaines de morts et de blessés. Valentin est rapidement embarqué par la police argentine, une communication suspecte a été intercepté sur son portable. Le seul qui possède ce numéro est son ancien ami Raymond et Valentin a toutes les peines du monde à s'extirper des pattes des flics.
Il ne lui reste plus qu'à prendre part à l'enquête en compagnie des agents secrets américains, français, argentins et se frotter aux sulfureux personnages des mondes du trafic de drogues et du djihad totalement imbriqués.
L'avis de Quatre Sans Quatre
Quel formidable roman d'aventure ! Profondément humain, loin des froides descriptions, des jeux de dupes géostratégiques aux idéologies alambiquées. Ce sont ses protagonistes qui sont confrontés à la cruauté du monde, ils ne combattent pas une machine infernale, un deus ex machina implacable, juste d'autres hommes aux ambitions criminelles avec leur force brute et leurs faiblesses. Les portraits sont justes, fouillés, sans concession, une écriture sobre pour un récit infiniment riche en émotion.
Certes, il y a une description journalistique, précieuse et documentée, de cet univers où religion irraisonnée, mafia, trafic de came et d'êtres humains se côtoient pourtant ce n'est jamais au détriment de l'aspect psychologique de l'intrigue et des personnages. Ni la situation politique, ni les sombres réalités économiques ne sont ignorées, nous les découvrons avec les yeux de Valentin, tout au long du difficile chemin qu'il devra parcourir pour essayer de solder son passé avec ce diable de Raymond ou des confidences de Facundo et de Fatima.
Raymond qui n'est pas sans rappeler par ses côtés hâbleur, extraverti, manipulateur le Radjah de Radioactif de Vincent Crouzet. Un personnage redoutable mais qu'il est impossible de détester tout à fait.
Un beau voyage, de la peu sûre Buenos Aires à la jungle bolivienne, de Paris à Bagdad, nous traversons les endroits les plus dangereux du monde avec Valentin qui ne sait plus s'il est le gibier ou le chasseur ni sur qui il peut réellement compter. Un suspense de dingue qui ne se dénoue qu'au tout dernier moment par une ultime pirouette élégante.
Le Chant du converti est tout en haut du palmarès des thriller de cette année et ne fait pas pâle figure face à un Je Suis Pilgrim. Ce ne sont pas les mêmes situations, les mêmes affrontements mais la qualité est, à mon avis, également au rendez-vous !
Notice bio
Sebastian Rotella est grand reporter et vit aux États-Unis. Spécialiste des questions de terrorisme international, du crime organisé, de sécurité et d'immigration, il a été finaliste du prix Pulitzer en 2006 pour ses reportages internationaux. Il travaille actuellement pour Pro Publica. Triple Crossing (Liana Levi 2012 – 10-18 2013), son premier roman a déjà été salué par la critique et les libraires français.
La musique du livre
Amateurs de musique, vous allez vous régaler ! Il y en a partout. Chaque titre de chapitre est un morceau de musique, Raymond chante, évoque ses concerts, ses reprises, le livre respire la musique, transpire les notes de tango, de bossa, de rock de Springsteen. Il fallait en choisir quatre, c'est le plus difficile, il vous restera à lire le livre pour découvrir les autres...
Manteca de Chano Pozzo qui ouvre et ferme le roman, Sophisticated Lady de Tony Bennet, titre qui permit à Raymond de séduire Flo, une de ses nombreuses conquètes. Jour de Paie de Booba qui est une sorte de chant de ralliement des jeunes révoltés de banlieue parisienne et Springsteen dont Adam raised a Cain sert de code à Raymond...mais, chut, vous verrez pourquoi ;-)
Le chant du converti – Sebastian Rotella – Liana Levi – 358 p. Septembre 2014
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Anne Guitton