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Chronique Livre :
Le dernier pape de Luis Miguel Rocha

Chronique Livre : Le dernier pape de Luis Miguel Rocha sur Quatre Sans Quatre

 photo : Benoit XVI prie (?) devant le tombeau de Jean-Paul 1er (Wikipédia)


L'extrait

« Le pape regarde l'agent avec une expression très grave.

- Dites-moi vite ce que dénonce ce rapport conjoint. Dieu vous écoute.

- L'IOR, l'Istituto per le Opere di Religione, poursuit l'agent américain, est étroitement lié à la Banco Ambrosiano de Roberto Calvi dont elle est l'actionnaire majoritaire, qui, à son tour, est liée aux affaires de Michele Sindona et à sa banque privée. Nous savons que Roberto Calvi est le lien entre Sindona et monseigneur Marcinkus. Je vous rappelle que Sindona est appelé le « banquier de la mafia » et qu'aux États-Unis un mandat d'arrêt pour fraude fiscale, délits financiers et crimes mafieux a été émis contre lui. Je me permets aussi de vous rappeler que Roberto Calvi appartient à la loge maçonnique P2, dirigée par le fasciste Gelli, un des instigateurs de l'opération Gladio. Vous n'avez certainement pas oublié les bombes de la piazza Fontana, en 1969.

- Vous êtes en train de me dire que l'argent du Vatican a servi à poser des bombes à Milan ?

- Non, je suis en train de vous dire qu'il a non seulement servi à poser des « bombes » à Milan mais dans de nombreux autres endroits du monde, de la Pologne au Nicaragua. »


Le pitch

1978 : Vatican. Mort du pape Jean-Paul 1er après trente-trois jours de pontificat. Il allait procéder à de grands changements de personnes à la tête des affaires financières de l'église. C'est le premier pape à mourir sans aucun entourage. Le corps est immédiatement embaumé rendant toute autopsie impossible, ce qui déclenche à l'époque une vague de suspicions justifiées, le pontife étant sur le point de relever de leurs fonctions un certains nombres de cardinaux très influents dont ceux régnant sur les finances du Vatican qui soulevaient de nombreuses interrogations, particulièrement leurs liens avec la mafia et des systèmes de blanchiment d'argent sale.

2006 : Londres. Sarah Monteiro, jeune journaliste d'origine portugaise rentre chez elle après un bref séjour chez ses parents restés à Lisbonne. Un mystérieux courrier contenant une liste de noms, dont celui de son père, et un énigmatique message codé, l'attend à son domicile. Elle est aussitôt la victime d'une étrange agression pendant qu'elle téléphone à son père pour avoir quelques explications.

Le capitaine Monteiro est formel, Sarah doit fuir son appartement, essayer autant que faire se peut de ne plus donner aucun signe de vie et retrouver quelqu'un qui pourra éventuellement la protéger et dont elle ne connait qu'un prénom : Rafael.

La course poursuite mortelle est lancée à fond de train, elle ne s'arrêtera qu'à la toute fin de l'ouvrage...et encore ! Un jeu de cache-cache fatal entre l'Angleterre, le Portugal, les États-Unis et le Vatican, bien malin qui peut dire qui représente le bien dans ce mic-mac incroyable.


L'avis de Quatre Sans Quatre

Quelle aventure ! La première réflexion qui me vient à la lecture du Dernier Pape est qu'il n'est pas nécessaire de mêler la religion au scénario pour impliquer le Vatican dans une incroyable histoire digne d'un terrible thriller. Et pas réellement besoin d'imagination, quasiment tous les protagonistes du livre ont existé et ont trainé une singulière odeur de soufre et de corruption. Une sorte de Da Vinci Code intelligent et utile ce livre en fait...

Un gang de cardinaux qui bute le boss - un peu moins docile et crédule que prévu lors du conclave - pour couvrir ses immondes forfaits, couverts par la CIA et par de puissants membres de différents gouvernements de par le monde, ça vous semble incroyable ? Lisez Le Dernier Pape et cherchez un peu sur Google, c'est édifiant mais pas forcément réconfortant. Entre les suicides fortement assistés, les exécutions sommaires et la manipulations des Brigades Rouges et autres terroristes, Rocha tient là une solide brochette d'énergumènes qui n'a rien à envier à Al Capone et consorts, les mythiques gangsters paraissant même un peu fades...

Ce roman est une somme avec un objectif démesuré : narrer toutes les magouilles, crimes, assassinats et détournements de la tristement célèbre loge P2. Cette loge maçonnique secrète a servi de gouvernement bis à l'Italie pendant des années, infiltrée jusqu'au plus haut sommet de l'état, des services secrets et du clergé avec l'appui et la logistique de la CIA. Avec des membres comme Berlusconi ou Roberto Calvi, retrouvé pendu sous un pont de Londres...

Un odeur de James Bond ! Les rebondissements de l'ultime seconde sortent toujours opportunément pour débloquer des issues ne pouvant être que fatales. Il y a systématiquement une dernière carte, cachée, qui surgit pour relancer un récit qui démarre sur les chapeaux de roues et faiblit pas durant près de 500 pages...et ce n'est que le premier volume ! Bien sûr il y a des invraisemblances, des coups de théâtre abracadabrantesques et du fil blanc, gros comme de la corde, coud certains passages, et alors ? Luis Miguel Rocha a une histoire bien compliquée à nous narrer, un imbroglio politico-financier international qui s'étend sur des dizaines d'années et c'est encore sous cette forme de roman aventures/espionnage que celle-ci passe le mieux pour peu que le lecteur se laisse embarquer, ce qui n'est absolument pas difficile ici

Un style particulier, de conteur, prenant le lecteur en aparté, créant une connivence et mettant en confiance, relançant l'attention quand elle pourrait être happée par l'action plutôt que par l'incroyable récit. Les dernières heures de Jean-Paul 1er et les débuts des mésaventures de Sarah se mêlent en chapitres alternés à dix-huit ans de distance et les éléments réels de l'intrigue sont habilement intégrés dans l'histoire par des dialogues comme celui présenté ici en extrait.

Le dernier pape est un vrai grand roman d'aventures qui devrait, à mon avis, pas mal trainer sur les plages cet été. Un de ces livres qui, tout en distrayant par un scénario captivant, éduque en livrant des éléments de réflexion et peut donner envie de lire les différentes enquêtes, réelles celles-là, qui ont été publiées sur tous ces faits ténébreux. Très peu de gens ont été inquiétés après ces différents scandales, l'omerta semble régner au Vatican...ou qui simplement distrait par la multiplicité des rebondissements au cours des aventures de Sarah et Rafael.


Notice bio

Luis Miguel Rocha est né à Porto en 1976. Il a vécu plusieurs années à Londres. Depuis son retour dans sa ville natale, il travaillait pour la télévision et écrivait des romans. Luis Miguel Rocha est décédé le 26 mars 2015


Le dernier pape – Luis Miguel Rocha – Éditions de l'aube – 476 p. mars 2015
Traduit du portugais par Vincent Gorse

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