Chronique Livre :
LE MENSONGE SACRÉ de Luis Miguel Rocha
Publié par Psycho-Pat le 18/07/2016
photo : Sceau IHS, les armes de Benoît XVI et du cardinal titulaire sur le fronton de l'église Saint-Ignace-de-Loyola (Wikipédia)
Le pitch
Au Vatican, Benoit XVI vient d'être élu, ce n'est pas une surprise, il avait été assez précisément désigné comme l'héritier du trône par Jean-Paul II. Le nouveau pape, au soir de son sacre, prend connaissance, comme tous ses prédécesseurs, d'une lettre renfermant un terrible secret réservé uniquement au chef de l'Église. Il est le seul ecclésiastique à être au courant du mensonge sacré.
Ben Isaac, un banquier israélien milliardaire, est en possession de plusieurs manuscrits du premier siècle après J.C. Les manuscrit de Qumrân, découvert au bord de la mer Morte. Au milieu des textes se trouve un évangile apocryphe, d'une valeur inestimable, dont la divulgation ferait tomber les dogmes du catholicisme et révélerait le fameux mensonge sacré.
En France, le commissaire Gavache et son adjoint Jean-Paul commence à compter les cadavres, tous liés à l'église et à l'archéologie. Les flics patinent et s'agacent des cachotteries des jésuites et des agents du Vatican, dont Rafael, le James Bond prêtre, qui lui mentent tous comme ils respirent. Il faut dire qu'ils protègent des terribles révélations qui pourraient faire vaciller la foi du plus convaincu des bigots.
La course aux documents est lancée, le jeu de massacre également...
L'extrait
« Il vient donc de se réveiller assis sur cette chaise, les yeux toujours bandés, et il sent quelqu'un remuer quelque chose à ses pieds.
« Je ne possède rien qui puisse vous intéresser. Je ne suis qu'un humble professeur qui essaie de mener une vie honnête. Ayez pitié de moi ! »
Son ravisseur se lève. Il tient une seringue munie d'une aiguille d'une main et un petit flacon de verre de l'autre. Il enfonce l'aiguille dans le bouchon en caoutchouc du flacon et aspire une dizaine de millilitres d'un liquide incolore. Il chasse l'air qui reste dans la seringue en appuyant lentement sur le piston jusqu'à ce qu'une goutte de liquide apparaisse à la pointe de l'aiguille puis laisse tomber le flacon de verre qui se brise par terre en mille morceaux. Il regarde le vieil homme aux yeux bandés, qui s'est tu comme s'il pressentait le pire, et lui annonce :
« Les règles sont très simples. Je pose les questions et tu réponds. Tout manquement à ce principe aura pour toi de très fâcheuses conséquences, c'est bien compris ? » »
L'avis de Quatre Sans Quatre
Si, à en croire les catholiques, dieu est miséricordieux, ses ouailles, par contre, ne suivent manifestement pas totalement son exemple ! Un sac de vipères, toutes plus venimeuses les unes que les autres, se disputent un document remettant en cause les dogmes les plus anciens, ceux qui leur ont permis d'asseoir leur autorité et de faire prospérer l'Église. Bien sûr, ce ne sera pas pour en révéler le contenu à la foule des croyants, le but étant d'être enfin assurés que ceux-ci ne refassent jamais surface sous peine de perdre leur boulot.
Comme dans les précédents volumes de sa saga Complots au Vatican, Le Dernier Pape et La Balle Sainte, Luis Miguel Rocha plonge le lecteur dans les arcanes les plus secrètes du Vatican, celles où aucun profane n'est admis, bien peu d'ecclésiastiques également d'ailleurs. L'Église a déjà souvent recours au mystère et à la dissimulation, ordinairement, mais les secrets en jeu ici mettent directement en cause son existence même. Facile de comprendre que ça ne peut pas se régler avec trois Pater et deux Ave et une giclée d'eau de Lourdes. De là à sortir les sulfateuses de sous les soutanes et les grenades du bénitier, y a tout de même un pas... qui sera rapidement franchi...
Y a sérieusement de l'eau dans le gaz entre les jésuites et le reste du clergé, de l'acide nitrique dans le vin de messe en quelque sorte. On ne discute plus boutique ou point de détail théologique, là, on flingue sévère pour récupérer les précieux documents. Rafael et Sarah Monteiro vont accompagner le curieux commissaire Gavache, celui-ci amène une pointe d'humour absurde dans ce récit haletant et savant, et participer à la course à l’échalote, ou aux écrits sacrés plus exactement. Accessoirement également de démasquer celui ou ceux qui assassine en rafale ceux qui ont un rapport quelconque avec Ben Isaac et ses manuscrits.
Rafael, l'agent très spécial du Vatican, le curé de choc qui balance plus de pruneaux que d'eau bénite, retrouve la belle journaliste à qui il n'inspirait pas que de pieux sentiments. Ensemble, ils vont enquêter sur ces morts et prises d'otages mystérieuses, sans avoir, évidemment, les informations ultraconfidentielles qu'ils vont devoir glaner pour enfin comprendre où ils mettent les pieds.
Thriller oecuménique, Le Mensonge Sacré, propose un bel inventaire des diverses ambitions humaines. Celle du clan qui veut garder son dogme intact, au mépris de la vérité, de l'homme qui tient dans ses mains une révélation inaccessible au commun des mortels, celle de celui qui veut être le représentant de son dieu, de ceux qui ourdissent complot sur complot pour avoir l'impression de contrôler le monde au mépris des victimes innocentes que leurs sales combines provoquent. Sans distinction de nationalité et de religion, l'humain y apparaît tel qu'en lui-même, même si les discours officiels sont toujours prononcés avec une extrême onction et un sens poussé de la litote.
Et si le principal culte de toutes ces religions étaient le secret et le maintien du dogme et non la révélation ? La question divine étant remisée loin derrière le respect absolu du statu quo qui préserve les places chèrement acquises les siècles passés, aux détours d'intrigues bien plus politiques qu'apostoliques. Incroyable ce qu'on peut recenser comme accidents cardiaques ou morts « naturelles » subites inexplicables dans les couloirs feutrés du palais papal. La police italienne ne pouvant mettre son nez dans les affaires louches de cet état souverain, personne ne remet en cause la version des gardes suisses entièrement dévoués aux cardinaux.
Les personnages sont complexes, attachants pour les plus sympathiques, particulièrement répugnants pour les autres, il faut ce qu'il faut, cet excellent – gros – roman ne perd pas son lecteur sans pour autant être prévisible, le chemin y est balisé avec habileté, le propos intelligent et il fourmille de nombreuses vérités pas toujours bonnes à dire. Un très bon moment de lecture. À noter qu'il n'est pas du tout nécessaire d'avoir lu les deux premiers tomes des aventures de Rafael et Sarah pour entreprendre ce thriller.
Notice bio
Luis Miguel Rocha est né à Porto en 1976, il est décédé le 26 mars 2015. Il a vécu plusieurs années à Londres. Depuis son retour dans sa ville natale, il travaillait pour la télévision et écrivait des romans. Il fut le premier écrivain portugais à figurer parmi les meilleures ventes du New-York Times. Ses romans ont été traduit en une vingtaine de langues. Sa saga, Complot au Vatican, comporte déjà trois volumes, Le Dernier Pape, La Balle Sainte et, donc, Le Mensonge Sacré, tous parus aux éditions de l'aube. À suivre, La Fille du Pape.
La musique du livre
Vraiment très très peu, même pas de musique liturgique évoquée alors que je m'attendais aux grandes orgues en cascade...
Tout au plus Ben Isaac et Myriam, son épouse, qui dinent sur le bateau de crosière et assiste à un spectacle reprenant des extraits de diverses comédies musicales dont Cats, West Side Story ou Le Fantôme de l'Opéra...
LE MENSONGE SACRÉ – Luis Miguel Rocha – Éditions de l'aube – 527 p. juin 2016
Traduit du portugais par Vincent Gorse