Chronique Livre :
LE MYSTÈRE DE LA MAIN ROUGE de Henri Loevenbruck

Publié par Psycho-Pat le 29/11/2020
Quatre Sans Quatrième… de couv…
Juillet 1789.
La Bastille vient de tomber. Danton, Desmoulins et Robespierre entrent dans l’Histoire. Au milieu du tumulte, le jeune et brillant journaliste Gabriel Joly a découvert l’identité du Loup des Cordeliers, ce mystérieux justicier qui hante, la nuit, les rues de Paris. Mais alors qu’il est sur le point de le confondre, voilà que celui-ci disparaît !
La course-poursuite s’engage, menant Gabriel jusque dans les maquis de l’île de Corse, sur les traces de la Main rouge, étrange société secrète dont les membres tentent d’influer sur la Révolution en cours.
Accompagné du pirate Récif et de l’intrépide Théroigne de Méricourt, Gabriel parviendra-t-il à retrouver le Loup des Cordeliers et à découvrir ses plus noirs secrets ? Entre complots et trahisons, il devra faire usage de sa plus grande sagacité pour résoudre l’énigme de la Main rouge.
L’extrait
« Anne-Josèphe reposa l’exemplaire du quotidien sur le banc. Quel singulier instant de son histoire la France traversait-elle ! Petit à petit, le peuple avançait vers la souveraineté dont il rêvait depuis longtemps. Le Théâtre-Français lui-même venait de changer de nom pour celui de Théâtre de la Nation. Les événements s’étaient précipités, prenant une ampleur sans précédent. Le pays partageait un épisode unique qui bouleversait l’existence de tout un chacun, grands et petits pareillement. Chaque jour apportait sa dramaturgie nouvelle, que la presse faisait vivre à ses lecteurs. Ainsi, la belle Liégeoise peinait à croire que la vie, comme l’espérait le comité permanent de l’Hôtel de Ville dans le communiqué, allait pouvoir si vite reprendre son cours.
Préoccupée par les révélations que ses amis, l’écrivain Louis-Sébastien Mercier et le mathématicien Gilbert Romme lui avaient faites au sujet de l’homme qui semblait avoir commandité son assassinat, Mlle Terwagne n’écoutait que distraitement les discussions des députés, sous la nouvelle présidence de M. le duc de Liancourt. Elle ne pouvait s’empêcher de pense à Charles-Antoine Duvilliers, officier décoré de la croix de chevalier de Saint-Louis, chef du cabinet secret du frère du roi, le comte de Provence... Comment expliquer que cet homme, qu’elle ne connaissait guère pût ainsi vouloir la faire disparaître ? Était-ce un assassinat politique, ordonné par le comte de Provence pour faire taire une apôtre de l’insurrection, ou un acte plus personnel, voulu par le colonel Duvilliers lui-même ?
- Paris n’a pas fi... fini de s’embraser, soupira Camille Desmoulins à ses côtés.
Arrachée soudainement à ses spéculations, Anne-Josèphe regarda le jeune avocat avec lequel elle avait participé à la prise de la Bastille et qui était devenu son ami.
- Pardon ?
- S’ils écoutent La... Lally-Tollendal, les députés vont remettre le feu aux poudres. Certains Parisiens ne décolèrent pas malgré les concessions du roi. On oscille sans cesse entre jubilation et ressentiment. Les uns font la queue pendant de longues heures devant les boutiques des bou... boulangers, conscients que seuls les premiers arrivés seront servis, les autres attendent un travail qui ne vient pas, sinon que de faire des tranchées à Montmartre, à raison de vingt pauvre sous par jour ! À peine de quoi payer deux livres de mau... mauvais pain. Bailly s’efforce de nourrir Paris, La Fayette l’empêche de se battre, mais les moyens manquent à l’un comme à l’autre.
- Des siècles d’oppression ne s’effacent pas en une nuit, Camille. » (P. 2’-25-26)
L’avis de Quatre Sans Quatre
Gabriel Joly est de retour, et c’est tant mieux ! Ce jeune et intrépide journaliste, témoin et acteur des grands changements de 1789, fait souffler un grand vent d’aventure et de courses éperdues et c’est exactement ce dont nous avons besoin après ces mois de morosité confinée. Le loup des Cordeliers nous avait fait vivre la période allant de la réunion des États généraux à la prise de la Bastille, ainsi qu’une enquête captivante de Joly et ses amis afin de démasquer un justicier solitaire, accompagné d’un loup, sévissant dans Paris et ayant une fâcheuse tendance à occire les violeurs et autres agresseurs de femmes. Gabriel ne parvint pas à arrêter le Loup des Cordeliers, mais au cours de ses investigations, il trouva néanmoins un amour sans limite, dont il ne sait s’il est partagé, pour Lorette Printemps, la jeune bibliothécaire muette du couvent des Cordeliers...
Hélas, la belle aussi a disparu, c’est pourquoi le journaliste est au bord de la dépression au début de ce deuxième volume de ses aventures. Paris est en ébullitions, des provocateurs excitent la foule. Celle-ci, chauffée à blanc, lynche, pend, décapite et promène les têtes de quelques notables qui ont été particulièrement durs et injustes avec le peuple. Bailly, maire de la capitale, et La Fayette, commandant la Garde nationale, s’efforcent de rétablir le calme, sans grande réussite, il faut bien l’avouer, et sont au bord de renoncer tant leur découragement est grand. Gabriel, aidé de son ami Camille Desmoulins et de la révolutionnaire, venue de Liège pour assister aux événements, Théroigne de Méricourt, alias Mlle Terwagne, font tout pour les en dissuader. Ajouter une vacance du pouvoir parisien au désordre, alors que les opposants n’attendent qu’un geste de faiblesse des meneurs de la révolte, serait catastrophique pour le mouvement républicain...
La république est encore loin d’avoir triomphé et des forces occultes s’agitent en coulisse, qui pour perturber la démocratie balbutiante. Leurs buts sont divers : restaurer la monarchie absolue pour certains, ou prendre, par la ruse, le pouvoir et substituer à l’aristocratie de naissance rejetée par le peuple, une autre, financière celle-ci, la bourgeoisie sent son heure venue. À Paris, Mlle Terwagne doit faire face à plusieurs tentatives d’assassinat dont elle ignore le commanditaire, les rares indices en sa possession la ramènent à un séjour en Corse et un culte antique perpétué par une société secrète semblant fréquenté de haute sphère du pouvoir, et dont les membres portent lorsqu’ils se réunissent des gants rouges... Gabriel mènera une enquête bien difficile pour parvenir à identifier ceux qui en veulent à la vie de son amie, surtout qu’il ne souhaite qu’une chose : au plus vite se lancer à la poursuite de Lorette Printemps, et du Loup des Cordeliers.
Mené à bride abattue, ce deuxième volet des enquêtes de Gabriel Joly, inventeur du journalisme d’investigation, ne laisse pas un instant de répit à son lecteur. Tout le viatique du roman d’aventure historique y est présent : bagarres, courses-poursuites, fusillades, émeutes, lynchages, société secrète, duel à l’épée, au sabre, attaque de diligence, et même bataille navale avec abordage et pirates. Tout ! Les évènements s’enchaînent à un rythme démentiel, rythme essentiel pour conduire autant d’intrigues, sur différents lieux et à différentes époques, de front. On passe de la répression de la révolte corse de 1779 et des exactions commises par les troupes françaises aux balbutiements de la république vingt plus tard, on croise Danton, Robespierre, Mirabeau et bien d’autres personnages historiques, on assiste aux premières manipulations électorales pour s’assurer la mairie de Paris, tout y est passionnant et formidablement bien raconté. Le récit fourmille de détails historiques, de personnages réels qui en accroissent la crédibilité.
À la fois roman historique, politique et d’aventure, Le Mystère de la main rouge peut se lire sur plusieurs plans, tous aussi attrayants. Gabriel Joly est un héros positif, fin stratège, déterminé, téméraire parfois, il forme un duo efficace avec son ami, le pirate Récif, persuadé que le journaliste va le mener à un trésor. Loin d’être inintelligent, il se révèle bien plus doué pour les scènes d’action que son camarade, et possède des connaissances chez less brigands qui seront capitales. Toutes les intrigues ramènent à la Corse, à la répression sanglante qui accompagna son « achat » par la France à la république de Gênes et trouveront leur point final à l’ombre de la citadelle de Calvi.
Un voyage passionnant dans les arcanes des débuts de la révolution française, des personnages attachants plongés au coeur d'intrigues étourdissantes, ce second volume est tout aussi captivant que le premier. Un thriller historique idéal pour s’évader !
Notice bio
Henri Lœvenbruck est né en 1972 à Paris. Écrivain, musicien et parolier, il est l’auteur de plus de quinze romans traduits dans de nombreuses langues, dont son plus grand succès, L’Apothicaire. Polar historique, Le Loup des Cordeliers, première aventure du journaliste Gabriel Joly, est paru en 2019 chez XO Éditions.
LE MYSTÈRE DE LA MAIN ROUGE - Henri Loevenbruck - XO Éditions - 460 p. octobre 2020
photo : la citadelle de Calvi par MemoryCatcher pour Pixabay