Quatre Sans Quatre

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Chronique Livre :
LES GENS COMME MONSIEUR FAUX de Phillipe Setbon

Chronique Livre : LES GENS COMME MONSIEUR FAUX de Phillipe Setbon sur Quatre Sans Quatre

Le pitch

Au chômage, largué par sa femme partie avec son associé, le jeune Wilfried Bodard a décidé d’en finir et de se jeter dans la Seine. Alors qu'il s'apprête à plonger dans les eaux sombres, il est interrompu par un élégant sexagénaire, M. Faux.

Wilfried ne va pas se suicider cette nuit-là, mais sa vie va basculer dans un long puits sans fond : car M. Faux, sous ses dehors affables, est un prédateur, un tueur en série implacable, qui commence à faire le vide autour de Wilfried. Pourquoi ? Parce qu'il l’a pris en affection. Mais aussi parce qu'il ressent le besoin de transmettre son « art » et qu'il croit avoir trouvé en Wilfried le disciple idéal.

Alors que les cadavres s’accumulent, Naomie une jolie capitaine de police se met à rôder autour de Wilfried, à la fois attirée par lui et le soupçonnant d’être l’insaisissable assassin de jeunes femmes qui écume Paris et ses environs.

Tiraillé entre les plans machiavéliques et la présence de plus en plus menaçante de M. Faux et sa relation compliquée avec Naomie, Wilfried va devoir marcher sur une corde raide, très raide, pour s’arracher à ce cauchemar sans fin.


L'extrait

« L'inconnu indiqua son véhicule garé à l'entrée du quai juste au-delà de la barrière. Une belle Mercedes métallisée. Wilfried renonça à discuter et lui emboîta le pas. Au point où il en était...
Quelle putain de soirée !
À l'intérieur du coffre se trouvait un grand plastique translucide, saucissonné de ruban adhésif. Wilfried allait demander de quoi il s'agissait, quand son œil identifié un visage spectral sous les couches de la bâche d'emballage.
- Elle n'est pas bien lourde, dit l'homme. En temps normal, je me serais très bien débrouillé seul. Mais vous êtes ma providence... Au fait, je ne me suis pas présenté. M. Faux.
- Wilfried Bodart, répondit-il mécaniquement en tendant une main bleuie.
- Vous prenez les pieds ? Ce sera sans doute moins perturbant pour vous.
- Attendez une minute ! Mais... Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Qu'est-ce que vous faites ?
- Je me débarrasse d'un corps, M. Bodard. Et je n'ai pas à me soucier de votre témoignage puisque vous allez mourir dans les minutes qui viennent.
- Qui est cette... Enfin, cette personne ?
- Aucune idée. Une passante... Je suis généralement très méticuleux, mais il m'arrive aussi d'obéir à mes pulsions les plus primales. Elle passait, elle sentait le parfum, elle était belle. Alors je me suis dit « pourquoi pas ? »
- Pourquoi pas quoi ?
- Carpe diem. » (p.12-13)


L'avis de Quatre Sans Quatre

Qu’allait-il faire en cette galère ? Quelle étrange et impénétrable voie du destin a conduit Wilfried Bodard sur les quai de Seine afin de mettre fin à ses jours ce soir-là ? Précisément celui-là et à cette heure ? Nul ne le sait. Toujours est-il qu’au lieu de se jeter à l’eau et d’en finir avec cette existence qu’il ne supporte plus, il se retrouve à filer un coup de main à un tueur en série ayant un corps à débarrasser de son coffre. La fille est déjà morte, emballée sous plastique comme de la viande de supermarché, il ne peut plus rien pour elle. Pourquoi pas venir en aide à cet étrange bonhomme, avant de passer l’arme à gauche on peut être amener à réaliser des choses vraiment bizarres, mais voilà que l’envie de sauter est partie, il n’est plus aussi sûr de son choix alors que le manieur de rasoir comptait bien qu’il suive sa victime dans les eaux sombre du fleuve. Hors de question de laisser un témoin derrière lui, à moins que...

Le jeune homme est sympathique, le tueur se fait vieux. Lui vient tout à coup l’idée que Wilfried pourrait peut-être devenir son successeur, qu’il pourrait lui transmettre les ficelles du métier si l’on peut dire, d’en faire son héritier dans l’art d’effacer ses contemporains. Bodard, qui ne sait plus trop où il en est, confie alors à monsieur Faux ses déboires et les raisons de ses pulsions suicidaires. Marcie, son épouse, est partie avec son meilleur ami qui a réussi, par la même occasion, à l’expulser de la boîte informatique que Wilfried avait créée. Il se retrouve, à 36 ans, au chômage, contraint d’habiter chez ses parents un peu beaucoup infantilisants, sans grandes perspectives d’avenir.

Le tueur ne va plus lâcher Wilfried, envahissant son existence, menaçant ses proches, multipliant les cadavres, il semble tout-puissant et omniscient, le jeune homme ne sait plus comment s’en débarrasser sans y perdre la vie ou mettre en péril celles de ses parents. Monsieur Faux a décidé qu’il serait son émule et rien ne peut l’en dissuader. Bodard doit faire ses preuves sinon...

Le lendemain matin, la capitaine Naomie Jouanné, jolie flique pétillante, arrive chez les parents de Bodard, Marcie est morte dans la nuit, égorgée par un inconnu. À partir de cette situation tout à fait singulière, Philippe Setbon va dérouler la petite musique qui lui est propre et que j’apprécie de retrouver à chacun de ses romans. Comme à son habitude, il fait débarquer dans l’univers ordinaire d’habitants de la capitale, ou de proche banlieue, un personnage très singulier qui va bouleverser leur destin. Au fil des pages, on croise même avec plaisir quelques protagonistes de sa trilogie Les trois visages de la vengeance, comme on tombe sur des amis un peu perdus de vue dont on est heureux d’avoir des nouvelles.

Willy et Noémie se plaisent bien, mais l’ombre de monsieur Faux - faux comme le mensonge, comme l’arme de la mort - plane sur chacune de leurs tentatives pour se rapprocher. Ce manipulateur hors norme empoisonne l’existence de Wilfried et sème le trouble et les cadavres partout où il passe et s’incruste. L’histoire est savoureusement racontée, le style vraiment plaisant, toujours ce ton presque badin pour aborder des sujets aussi sérieux que l’assassinat et le harcèlement, et la magie fonctionne à chaque fois, le lecteur est totalement transporté dans l’univers glauque de Philippe Setbon et en redemande.

Un excellent polar, fort agréable à découvrir. Roman après roman, l’auteur déroule des scénarios passionnants et nous fait faire connaissances avec son petit monde aux aventures mortelles mais tout à fait singulières. Une musique harmonieuse dont on ne se lasse absolument pas !


Notice bio

Philippe Setbon, né en 1957, débute comme auteur et dessinateur de BD dans Métal Hurlant et Pilote, avant de bifurquer vers le cinéma. Il signe les scenarii de plusieurs longs-métrages comme Détective de Godard ou Mort Un Dimanche De Pluie, réalise Mister Frost puis se consacre à la télévision. Il écrit de nombreux téléfilms et séries, dont Les Enquêtes d'Éloïse Rome, Fabio Montale, Franck Riva, etc. Il en réalise lui-même une vingtaine parmi lesquels la mini série à succès Ange De Feu. Il a également signé six romans chez Rivages, Flammarion et Buchet-Chastel. Les gens comme Monsieur Faux fait suite à la trilogie, Les trois visages de la vengeance, également parue aux éditions du Caïman : Cécile et le monsieur d'à côté, T'es pas Dieu, petit bonhomme... et Un avant-goût des anges.


LES GENS COMME MONSIEUR FAUX – Philippe Setbon – Éditions du Caïman – 213 p. septembre 2017

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