Quatre Sans Quatre

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Chronique Livre :
Été rouge de Daniel Quiros

Chronique Livre : Été rouge de Daniel Quiros sur Quatre Sans Quatre

Photo : Contras en pause au Nicaragua (Wikipédia)


L'extrait

« La poussière. Je déteste la poussière. À cette époque de l'année, elle recouvre tout, comme une toile d'araignée omniprésente. Elle se mélange à la sueur et transforme la peau du visage en masque noirâtre. J'ai beau me nettoyer souvent avec le mouchoir blanc que j'ai toujours dans ma poche de pantalon, je sens en permanence ma peau râpeuse sous cette couche de poussière qui m'incommode, ce goût de terre sur les lèvres craquelées, alors que je n'ai de cesse de les humidifier avec ma langue. Le mieux à faire ici, c'est de passer la journée au bar de dona Eulalia, d'où on peut voir la mer, qui envoie de temps à autre une rafale de vent : avec une cigarette et une bière bien fraîche, une journée devient alors quelque chose d'à peu près supportable. »


Le pitch

Don Chepe est un ex guérillero las des sempiternelles batailles. Il a posé son sac à Tamarindo, petite bourgade du Costa Rica, la suisse de l'Amérique Centrale, ainsi nommé pour son apparente position de neutralité face aux différents conflits agitant la région. Il effectue quelques petits boulots de surveillance et d'enquête, rien de vraiment sérieux, de quoi payer ses bières et ses faibles besoins.

Le corps d'une femme assassinée est découvert sur la plage. Don Chepe la connait bien, surnommée l'Argentine à cause de son passée de combattante révolutionnaire lors de la dictature dans ce pays, elle tenait une sorte de café-bibliothèque et ils devisaient régulièrement ensemble de livres et du temps.

Bien évidemment, Don Chepe va se mêler à l’absence d'enquête de la police costaricienne qui ne brille pas par son obstination et sa volonté de s'attarder dans ce trou paumé. Il va être obligé de fouiller les poubelles de l'histoire et les comportements criminels aussi bien de ses anciens amis que de ses ex ennemis...


L'avis de Quatre Sans Quatre

Pour tout vous avouer, je n'avais jamais lu de polars costariciens, ni de cette région du monde avant Été Rouge et ce livre est une très belle surprise. Le dépaysement est total et l'auteur sait parfaitement mêler les petits détails typiques du quotidien aux investigations de son héros. Les noms ronflants des différents services de police ne cachent que difficilement une nonchalance absolue pour tout ce qui ne touche pas directement de hauts personnages. Il y a du western spaghetti dans ce roman, la poussière, le flic endormi sur sa chaise au commissariat, la lassitude due à la chaleur, on y entend presque l'harmonica des BO de Sergio Leone.

Mais fouiller dans le passé de ce coin du Costa Rica proche de la frontière nicaraguayenne, c'est immanquablement se retrouver plongé dans le bouillon de culture des luttes entre sandinistes et contras, ces mercenaires financés par la CIA qui s'illustrèrent par leurs massacres dans la région. Sans tomber dans le piège du manichéisme ni dans celui de la litanie politique, Daniel Quiros nous amène avec talent à comprendre les enjeux, les chausses-trappes et l'histoire de ces conflits sanglants qui minèrent l'Amérique Centrale et Latine.

Fort bien traduit, Été Rouge est un vrai polar, plein de suspense, avec une sérieuse histoire agréablement racontée dans une langue riche et subtile. Une fausse impression que tout est étouffé par la chaleur, la violence et la rancune ne demandent qu'à pointer leurs nez dès que quelqu'un touche aux vérités soigneusement enfouies sous le sable des plages édéniques.
Un auteur à découvrir et à suivre, ce roman n'est pas intéressant que par son côté exotique, il est passionnant également, et surtout, pour le scénario tordu qu'il déroule implacablement et son personnage principal qui a l'étoffe d'un héros récurrent. N'hésitez pas à surprendre ou à vous surprendre avec cet excellent livre.


Notice Bio

Daniel Quiros est né en 1979 au Costa Rica. Il enseigne aujourd'hui la littérature espagnole à l'université Lafayette (Pennsylvanie, USA). Été rouge a reçu le prix national de littérature Aquileo J. Echeverria, la plus haute distinction littéraire du Costa Rica


La musique du livre

Les marimbas, partout, parce qu'ils sont incontournables et qu'ils animent les rues de Tamarindo, entre balafon africain et instruments locaux très anciens, du reggaeton cueillis aux alentours d'une bodega « affublé d'un nom anglais ». La musique de Carlos Gardel n'est pas présente dans le roman mais c'est le pseudonyme choisi par l'individu poursuivi par Don Chepe, donc autant en profiter pour écouter Volver de la star absolue du tango...

Été rouge – Daniel Quiros – éditions de l'aube – 177 p. novembre 2014
Traduit de l'espagnol (Costa Rica) par Roland Faye

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