Chronique Livre :
TOUT CORPS PLONGÉ... de Lionel Fintoni

Publié par Psycho-Pat le 23/04/2020
Quatre Sans... Quatrième de couv...
« Le cadavre flottait, quasi immobile, les bras écartés, gonflé au milieu d'herbes et d'algues, dans une lumière ornée de reflets sales. La fascination s'était imprimée dans son cerveau et ne l'avait jamais quitté. »
Alain Dormeuil, acteur indirect d'un combat impitoyable entre des hackers, est à la recherche d'un tueur en série obsédé par des mises en scènes aquatiques et d'un dossier informatique ultra-confidentiel dérobé par une demi-mondaine.
Revenu dans le bercail contraignant de la police judiciaire, entouré d'une équipe qu'il n'a que partiellement choisie, le commandant va très vite comprendre que le principe d'Archimède se prête à plusieurs formes de déclinaisons, y compris les plus inattendues et les plus inquiétantes...
L'extrait
« Il recule de quelques pas, s'accroupit pour obtenir une vue rasante, sourit à nouveau. La végétation de bordure cache une partie de la scène. Il vérifie à nouveau qu'il n'a rien oublié, rien laissé qui puisse aider les enquêteurs. Il se targue de perfectionnisme. Après tout, la police n'a rien trouvé pour les deux précédentes, alors pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui, même avec les indices qu'il fournit à l'avance ?
Il se penche, cherche dans son sac, se saisit de l'appareil photo Polaroïd avec lequel il prend un premier cliché de la jeune femme. Il attend quelques instants que l'image apparaisse, agite la pellicule pour accélérer le séchage puis examine le cliché et décide que tout est prêt.
Il pose l'appareil photo, prend un scalpel et, tout en faisant en sorte de ne rien altérer dans la mise ne scène, entaille le poignet de la jeune femme, dans le sens longitudinal du bras.
Il se relève, observe les volutes produites par le sang qui s'échappe du poignet d'albâtre. Il fait quelques photos, attend le résultat. Définitivement satisfait, il rassemble ses accessoires, efface ses traces avec un balai de bruyères et quitte les lieux.
Sur le chemin du retour, dans sa voiture, il observe la vie tranquille d'une ville à la nuit tombante après un de ces dimanches banlieusards gris et pluvieux qui ne servent à rien. Il lui tarde de retourner au travail, à ses patients, à ces gens qui ont besoin de lui et qu'il aide avec tellement de plaisir et de satisfaction.
Il se demande qui trouvera le corps et combien de temps il faudra à la police pour comprendre l'indication qu'il a fournie. » (p. 9-10)
L'avis de Quatre Sans Quatre
Maxime Vial est un petit imprudent, incapable de résister à ses pulsions dès qu'une jolie fille passe dans les parages. Peu importe s'il doit payer pour cela, il la lui faut. Il possède un autre défaut fort agaçant, celui d'être perpétuellement en retard, ce qui l'oblige à bâcler précipitamment ses départs, de chez lui ou de son travail lorsqu'il a un rendez-vous. Ces deux travers conjugués vont le conduire dans une panade inimaginable, lorsqu'il rencontre une superbe jeune femme lors d'un colloque. Plus rien ne compte, Maxime n'a de cesse de se retrouver seul avec elle dans une chambre d'hôtel. Sûr de lui, il ne s'étonne pas de la facilité avec laquelle il parvient à ses fins...
Une fois ladite pulsion consommée, la belle se fait la malle avec son attaché-case contenant, sur un support numérique, un fichier ultra-secret ne devant être révélé à aucun prix. Maxime Vial est analyste dans une société high tech, Med Data Consulting gérant les dossiers sensibles de l'industrie pharmaceutique et médicale. Manifestement, il y a dû y avoir une petite faille dans le recrutement pour confier des dossier aussi brûlants à un tel étourdi.
Le commandant Alain Dormeuil de son côté, fait la connaissance de sa nouvelle équipe et de sa supérieure, Marie-Ange Jéopardi. Il vient d'être réintégré dans la PJ après la très sensible affaire décrite dans Il ne faut jamais faire le mal à demi, au cours de laquelle il avait plus que dépassé certaines limites. Elle est très à cheval sur la procédure, Dormeuil suit son instinct et s'éloigne des règles dès que le besoin s'en fait sentir, la collaboration ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. À la tête de l'un des trois groupes d'enquête sous les ordres de Jéopardi, il se voit confier le dossier d'un meurtre avec mise en scène aquatique, une jeune fille retrouvée dans une rivière dans une sorte de tableau morbide.
Les frasques de Maxime Vial une fois découvertes, son PDG et le responsable de la sécurité de MDC ne tardent pas à penser qu'il a vendu le document secret afin d'assouvir son addiction et lancent ses sbires dans une traque implacable, le fautif ayant pris bien soin de se cacher, une fois sa bévue et l'impossibilité de récupérer la clé USB constatées. Une course-poursuite ponctuée de nombreuses victimes s'engage. Qui dit industrie pharmaceutique dit montagne de fric, dissimulation d'études défavorables et compromission au plus haut niveau, voire corruption, les enjeux deviennent vite colossaux.
Les tueurs lancés aux trousses du dossier sensible et de Maxime ayant la bonne idée de masquer leurs crimes en les faisant passer pour l'oeuvre du meurtrier en série, le commandant Dormeuil se retrouve bien vite sur la piste des deux affaires, sous la tutelle de sa cheffe qui ne goûte guère ses initiatives et le contraint à respecter à la lettre un règlement handicapant. Ce qu'il ne fait pas, bien évidemment, et fort heureusement sinon il n'aurait pu se rendre compte de la mystification.
Tout le monde court après tout le monde dans ce thriller haletant, aussi bien sur le terrain, dans la rue, dans les caches inattendues, que sur le web ou sur le darknet. Les hackers de MDC traquent le dossier, les hommes de main pourchassent Maxime, Dormeuil suit tous les indices, parfois contradictoires, qu'il déniche avec son équipe, au fil de leurs investigations.
Comme dans son premier roman, Lionel Fintoni mêle des sujets qui pourraient paraître éloignées les uns des autres, une enquête criminelle presque classique d'où surgit un problème de société lourd et grave. Le trafic d'organes dans Il ne faut jamais faire le mal à demi, la pollution de l'eau dans celui-ci, et, bien entendu, les masses d'argent en jeu dans ces affaires totalement immorales. Le tueur en série paraît finalement bien pâle comparé aux effets délétères des pollutions pharmaceutiques invisibles, mais terriblement néfastes, affectant des millions – milliards ? - d'êtres humains, et ce ne sont pas des lois comme celle dite du « secret des affaires » qui vont arranger une situation catastrophique.
Un, deux, trois, quatre crimes, la presse est en émoi, les pressions politiques se multiplient, la police est sur la sellette, cent, deux cents trois cent mille victimes, silence radio, les sommes astronomiques brassées par les multinationales freinent considérablement les révélations et les pressions ont bien lieu, mais souvent pour étouffer l'affaire. Il n'est que de voir le sort réservé aux lanceurs d'alerte pour comprendre qu'il est préférable, pénalement du moins, d'empoisonner en masse que de tuer une par une ses victimes. Dans un cas, vous avez de bonnes chances d'obtenir la légion d'honneur et un bisou présidentiel, dans l'autre, c'est perpète et l'opprobre. Qui a dit « monde dingues » ? Pas du tout, on dit « réalisme économique », enfin, voyons !
Un thriller décapant, soulevant une réelle problématique écologique actuelle au travers d'une enquête pleine de suspense et de coups de théâtre spectaculaires !
Notice bio
Lionel Fintoni a longtemps vécu en Afrique, au Moyen-Orient et dans différents pays européens.
Désormais établi à Aix-en-Provence, il est traducteur-interprète. Il ne faut jamais faire le mal à demi, son premier roman, est paru dans la même collection en 2017.
TOUT CORPS PLONGÉ... - Lionel Fintoni – Éditions de l'aube – collection l'aube Noire – 357 p. août 2018
photo : Pixabay