Chronique Livre :
ÉTRANGE ÉTRANGER,14 nouvelles noires pour soutenir la CIMADE

Publié par Dance Flore le 02/08/2015
photo : L'exode, France juin 1940, chacun, un jour, peut avoir à fuir un conflit...(Wikipédia)
Un geste de solidarité mais, avant tout, un excellent moment de lecture
Quatorze auteurs solidaires et 14 nouvelles noires écrites sur mesure et réunies sous la direction de Patrick Mosconi au bénéfice de la CIMADE, publiées et diffusées par E-Fractions en numérique pour nourrir votre tablette ou votre liseuse...
En toute connaissance de cause
la Cimade soutient et aide les migrants, réfugiés et demandeurs d'asile. Créée en 1939, pénétrant jusque dans les camps pour venir en aide aux populations internées, elle continue aujourd'hui son action humanitaire et fraternelle.
Elle publie, chez E-FRACTIONS Éditions un recueil numérique de 14 nouvelles, Etrange Etranger, sous la direction de Patrick Mosconi, en réaction à la montée des inégalités, de la recherche de boucs-émissaires et au besoin vital de plus de solidarité et d'entraide dans notre société ainsi qu'à l'occasion du FIRN, Festival International du Roman Noir de Frontignan, qu'elle parraine cette année. Le roman noir, comme toujours, est le lanceur d'alerte de la littérature, la chambre d'écho privilégiée des soubresauts et des convulsions du monde : nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.
« Il n'y a pas d'étrangers sur cette terre », tel est le magnifique slogan de la Cimade. On le garde !
L'extrait de la préface
« Au moment où l'intransigeance prend la pas sur l'humanité, où certains construisent des différences afin de réduire au silence ceux qu'ils ont définis comme « autres », nous avons voulu porter un regard différent, un regard sans complaisance ni facilité, mais empreint d'humanité sur ces étranges étrangers. Cet autre regard, c'est celui que porte le roman noir, c'est aussi celui que porte la Cimade qui parraine cette édition du FIRN. Cet autre regard, c'est celui qui, derrière les différences que certains ont voulu construire, reconnaît notre commune humanité, qui, dans les angles morts de la République, reconstruit les visages des invisibles. »
(Geneviève Jacques, présidente de la CIMADE)
Prendre connaissance
Etrange , étranger : deux mots, si on les accepte, qui affûtent le regard sur soi-même, qui, paradoxalement, délivrent, libèrent, ouvrent à soi-même et aux autres en obligeant à se réévaluer, à se confronter aux différences de l'autre, qui donnent la connaissance en faisant faire connaissance. Qui balaient les certitudes qui excluent et stigmatisent. Qui trouvent le chemin de la compréhension mutuelle et permettent de prendre conscience qu'on est tous l'étranger de quelqu'un, y compris, souvent, de soi-même.
Les textes du recueil s'entrecroisent et s'entrechoquent
Chacun d'eux témoigne à sa façon, quelquefois même par l'humour noir, et milite pour que nous cessions de nous côtoyer sans chercher à nous comprendre. Les textes sont lumineux, tous singuliers, et mettent en scène ceux que nous voyons sans plus les regarder dans nos rues, au journal télévisé, ceux dont on parle dans les colonnes des faits divers, qui se réduisent à ces statistiques dénuées d'humanité et manipulatrices : c'est le médecin à Calais qui aide les migrants et que surveille la police, la famille de Gitans sédentarisée mais jamais acceptée, humiliée et injuriée par ses voisins, l'artiste loser sans le sou qui vit à la marge, avec son piranha punk, l'homo contraint d'épouser la fille-mère, tous deux exclus par une société intolérante, le plan cul qui dérape, le légionnaire à qui seule la mort donnera une patrie. Ce sont aussi bien les femmes qu'on prostitue, qu'on méprise, qu'on bafoue que les migrants sans papiers, sans statut, sans véritable vie ou que ceux que la vie a ballotté, qui se cognent aux frontières aussi sûrement qu'aux préjugés, à la violence et à l'indifférence.
Et aussi, parfois, d'autant plus rayonnants qu'il sont si rares, un élan, un geste, une parole qui réparent.
En ces temps où l'on érige des murs pour refouler ceux qui ne sont pas morts en mer ou sous les bombes, certaines évidences sont bonnes à rappeler.
Un moment de grâce, un vrai héros déjanté comme on les aime : Jasper, le piranha punk, Bac + 9, confident du narrateur, qui a le verbe haut, la répartie ironique et qui se barre finalement au Brésil.
Faire connaissance (et, souvent, renouer avec de vieilles connaissances)
Lilian Bathelot : Cristalline - Cesare Battisti : Nassera - Laurence Biberfeld : Aujourd'hui est un autre jour - Anne Bourrel : Café Hafa - Frank Bouysse : L'ombre du chien - Serguei Dounovetz : Un piranha dans la tête - Marin Ledun : La route est belle - Sophie Loubière : Un crime (a)moral - Nadine Monfils : Le bonheur est dans le puits - Patrick Mosconi : Ci-gisent tant d'illusions - Gianni Pirozzi : Femmes de parloir - Jean-Bernard Pouy : Une intégration réussie - Olivier Thiébaut : Grosse vache ! - Francis Zamponi : Etranger légionnaire
Connaître la musique
Pas de titres réellement cités mais quelques musiciens ou groupes dont Starshooter, Quel Bel Avenir et Kent, J'Aime un Pays.
Claude Moine et Les Chaussettes Noires dans l'inoubliable Eddy Sois Bon suivis de Brigitte Fontaine et Philippe Katherine avec Partir ou Rester.
Pour finir le groupe d'électro-slip S. Libar en live pour N'Golo et Pierre Henry et ses Variations pour une Porte et un Soupir.
Vous pourrez également croiser dans votre lecture Élodie Frégé, Serge Gainsbourg et Pierre Boulez.
ÉTRANGE ÉTRANGER – E-Fractions Éditions – 216 p. juin 2015 - 2,99 €
Recueil sous la direction de Patrick Mosconi