Chronique Livre :
VATICANUM de J.R. Dos Santos

Publié par Psycho-Pat le 28/05/2017
photo : Pixabay
Le pitch
Et si ce pape était le dernier pape ? Trois grandes prophéties annoncent sa fin et avec elle celle de l’Église catholique. Saint Malachie l’a prédit au XIIe siècle. Le pape Pie X en a eu une vision en 1909. La Vierge de Fátima l’a annoncé aux trois jeunes bergers portugais en 1917.
Alors que Tomás Noronha travaille dans la nécropole du Vatican à la recherche des ossements de saint Pierre, le pape le fait appeler dans ses appartements privés qu’il n’occupe plus que pour ses rendez-vous en journée. Il a besoin de son aide pour enquêter sur un vol qui a eu lieu au sein même de la Cité du Vatican.
Vingt-cinq ans après l’opération « Mains propres » qui a ébranlé la curie et ses fidèles, de nouveaux documents explosifs ont disparu qui pourraient remettre en cause l’intégrité de l’Église. Historien et cryptanalyste, Tomás ne comprend d’abord pas très bien pourquoi on fait appel à lui. Il commence cependant à faire des découvertes très surprenantes, qui mettent en cause de grandes figures de l’Histoire du xxe siècle.
L’extrait
« Ils avaient été découverts, pensa le chef des cambrioleurs, dont le coeur s’accéléra. Que devait-il faire ? Attendre que le garde entre pour lui tomber dessus et lui trancher la gorge ? Ou prendre l’initiative, ouvrir brusquement la porte et l’attaquer dans le couloir ? La première solution lui paraissait préférable, car il aurait ainsi l’avantage de la surprise, mais on ne pouvait exclure que le garde n’entre pas et qu’au lieu de cela il déclenche l’alarme, ce qui lui ferait perdre totalement le contrôle de la situation.
Pas de doute, il valait mieux prendre l’initiative et l’attaquer avant que l’alarme ne retentisse.
- Je voudrais prendre un rendez-vous pour 6 heures du matin, per favore. Qui sera là ?
Des gouttes de sueurs perlant sur son front et le coeur battant à tout rompre, Abu Bakr posa doucement sa main sur la poignée et, silencieux comme un moudjahidine, se prépara à passer à l’action. Il lui planterait le couteau dans le dos ou la poitrine avant de lui saisir la tête par les cheveux et de lui trancher la gorge, comme le Prophète, que la paix soit avec lui, l’avait fait aux kafirun, aux infidèles, au cours des djihads sacrés. Ça risquait d’être sanglant, mais il n’y avait pas d’autre solution.
Son plan arrêté, il prépara son arme et, contrôlant sa respiration et les battements de son coeur, il compta mentalement jusqu’à trois avant de lancer son attaque. » (p.22)
L’avis de Quatre Sans Quatre
Le Vatican est considéré de par le monde comme un sanctuaire, un état à part. Certes, mais un sanctuaire pour qui ? Et pour quoi ? À la lecture de Vaticanum, un dossier accablant, ultra-documenté, bourré de dates, de noms (réels) de faits précis, le lecteur a la réponse : un sanctuaire pour l’argent sale et pour la mafia. L’IOR, l’Institut pour les Oeuvres Religieuses improprement appelé Banque du Vatican) est la plus belle, grosse et sûre machine à laver les revenus de la prostitution, trafics d’armes et de drogue de la Cosa Nostra. Les comptables de l’État papal et de l’organisation criminelle furent longtemps les mêmes, les liens entre l’épiscopat et des escrocs de très grande envergure ayant pillés les économie de millions d’épargnants sont démontrés très précisément dans ce thriller captivant. Tout ceci, bien évidemment, en toute impunité, le pape lui-même, protégeant et refusant de livrer à la justice les cardinaux impliqués. Le seul ayant tenté, dès le début de son mandat, d’intervenir et de mettre un peu d’ordre dans les écuries d’Augias que sont les comptes du Vatican, a été éliminé très rapidement. Les enjeux sont trop importants pour laisser le premier chef de l’Église venu se mêler des arnaques en cours.
Ces malversations, escroqueries, recels, trafics, sont le fil rouge de l’enquête haletante mené par Tomás Noronha, un professeur d’histoire crypto-analyste, chargé par le pape d’investiguer sur un étrange cambriolage commis par Daesh dans les bureaux des Congrégations où sont cachés des documents secrets et très compromettants de la comptabilité du Saint-Siège. Un pape actuel, jésuite, assez peu porté sur l’ésotérisme et pourtant très soucieux des diverses prophéties et annonces faites lors de diverses “apparitions de la vierge” l’annonçant comme le dernier souverain pontife. À force de se pencher sur ces apparitions, c’est lui qui disparaît, comme par magie, enlevé dans ses appartements même. Une revendication immédiate de l’état islamique demande soit une conversion massive des chrétiens, soit le versement d’une énorme et inconcevable rançon, faute de quoi…
Encombré d’un flic italien totalement abruti et mal embouché, des multiples mystères que le Vatican recèle en son sein, Tomás remonte la piste du fric, le saint moteur de toute l’Église. Ce sont tous les grands scandales des soixante-dix dernières années en Italie qui vont ressurgir un à un : Loge P2, Banco Ambrosiano, les assassinats de juges, de policiers, de témoins gênants, et tant d’autres. Plus gênants encore, la certitude qu’acquiert peu à peu Tomás et Catherine - jeune Française chargée de l’audit des comptes du Vatican qui va lui servir de partenaire sur cette affaire - c’est l’implication directe des différents papes qui se sont succédés depuis la seconde guerre mondiale et de leur entourage immédiat dans les magouilles financières entre certains cardinaux et la mafia. Toutes les excuses sont bonnes pour justifier l’injustifiable, l’anticommunisme, l’amitié, les services rendus, la volonté de ne pas livrer des prélats à la justice séculière.
Toutes ces informations, doivent être arrachées une à une aux archives cryptées et dissimulées de l’état papal, Tomás et sa jolie acolyte n’ont qu’une poignée d’heures, à minuit, il sera trop tard, le pape sera égorgé. La situation internationale se dégrade, les pays de différentes confessions commencent à se faire la guerre, plus personne ne contrôle les événements. Ce sera donc sur un rythme échevelé que se dérouleront les différentes phases de l’enquête. Chaque découverte, chaque action, amène son lot de révélations qui permettent à l’auteur de détailler les diverses arnaques, escroqueries et détournements qui alimentent les saintes caisses catholiques au mépris de la plus élémentaire des morales. Contrairement à ses principes toujours hautement proclamés, le Vatican vend du tabac, possède des parts dans des laboratoires pharmaceutiques faisant fortune en vendant des pilules contraceptives, joue la misère du monde en bourse afind e s’enrichir, et cela n’est encore que l’aspect non criminel de ses activités financières.
Les 630 pages de ce thriller apostolique se lisent sans effort, captivant de bout en bout, le lecteur hallucine devant tant de duplicité pour la partie presque documentaire, et suit avec passion les différentes étapes du chemin de croix de Tomás dans la partie honteuse de l’institution. Son impunité garantie par le concordat de Latran, signé avec les fascistes de Mussolini, le Vatican influence la politique des états, les cours des places boursières en manipulant illégalement les actions, les institutions judiciaires, assassine, pille, vole, viole la démocratie, bref le crime organisé agrémenté du pire visage du libéralisme rapace ayant comploté avec les régimes politiques parmi les plus abjects et sanguinaires de la planète.
Dos Santos ne plaide pas, ne polémique pas, il énonce des faits, des dates, des noms, des documents. Son héros, Tomás, suit le chemin des malversations immenses organisées par des mafieux et des politiciens corrompus pour le plus grands bénéfice d’une Église dispendieuse pour ses élites, avares pour ceux qu’elle devrait protéger. Fiction et romanesque habilement mêlés donne un roman époustouflant et édifiant, un thriller palpitant, survitaminé, un réquisitoire implacable contre pratiquement un demi siècle de pratiques honteuses.
Un livre à damner un saint, littéralement !
Notice bio
Journaliste, reporter de guerre, présentateur vedette du 20H00 au Portugal, José Rodrigues dos Santos est l’un des plus grands auteurs européens de romans historiques, plusieurs fois primé, de Lisbonne à Dublin. La saga Tomàs Noronha a déjà été traduite en 17 langues et les droits d’adaptation cinématographique ont été vendus aux États-Unis.
VATICANUM - J.R. Dos Santos - HC Éditions - 633 p avril 2017
Traduit du portugais par Adelino Pereira