Quatre Sans Quatre

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Chronique Livre :
VIE ET MORT D’UNE LÉGENDE BIGOUDÈNE de Pierre Pouchairet

Chronique Livre : VIE ET MORT D’UNE LÉGENDE BIGOUDÈNE de Pierre Pouchairet sur Quatre Sans Quatre

Quatre Sans Quatrième… de couv…

Quand une ancienne star du rock est sauvagement assassinée à son domicile de Pors Carn à Penmarc’h, la Police Judiciaire de Brest, avec Léanne Vallauri à sa tête, se retrouve chargée de l’enquête.

La flic va devoir s’immerger dans les coulisses de la foisonnante scène bigoudène des années 60-70.

Pour cette passionnée de musique, ce serait presque un plaisir si elle n’avait pas, en parallèle, à surveiller les agissements d’un nouveau collègue dont les méthodes perturbent quelque peu son service…


L’extrait

« La substitute les abandonna et Léanne regroupa ses troupes sur la terrasse. Elle distribua les rôles, une équipe pour chaque niveau, une pour les extérieurs et une pour commencer à voisiner. De son côté, elle demanda à Erwan de lui servir de guide.
La pièce principale était traversante et devait s’étendre sur près de cent vingt mètres carrés ; difficile de ne pas être impressionné par la bibliothèque et ses nombreux livres. Elle sourit en découvrant la décoration : un Gaston Lagaffe de taille humaine, le chat posé sur son épaule, tentait d’escalader les rayonnages pour attraper sa mouette rieuse juchée au sommet. La victime devait être un type sympa. Elle s’attarda un instant sur les ouvrages. Une belle place était faite à la littérature américaine. L’autre partie était consacrée à la musique avec de nombreux écrits sur les artistes, dont une collection de livres d’art numérotés et signés. Passés les livres, on en arrivait aux CD puis aux vinyles. Il régnait un désordre surprenant. Quelques pochettes de 33 tours traînaient sur le sol. Le gendarme en donna l’explication :
- Selon l’employé, plusieurs disques ont été volés. Il paraît qu’il y avait des pièces de collection d’une valeur qu’il qualifie d’inestimable.
Léanne fit une moue étonnée.
- Ça veut dire quoi « inestimable » ?
- Il parle de dizaines de milliers d’euros.
Elle crut qu’elle avait mal entendu :
- Des dizaines de milliers d’euros ?
Erwan confirma en indiquant qu’il avait même été question de plus de cent mille euros et il précisa :
- Il ne les avait achetés, enfin pas tous, certains étaient des cadeaux.
- Il faudra essayer de faire une liste, conclut Léanne.
Puis elle s’aperçut que des traces sur les murs témoignaient de la disparition récente de cadres.
- Qu’est-ce qu’on a volé d’autre ?
- Des disques d’or, mais surtout des guitares ayant appartenu à des musiciens célèbres, et là, il paraît qu’on dépasse souvent les cent mille euros, répondit le gendarme.
- Oups ! On ne peut pas dire, c’était un homme de goût, exactement le genre d’endroit où j’aimerais vivre, très belle vue sur la mer, une maison lumineuse où tout est prévu pour la musique et la lecture. Je me vois très bien avec mon chat à regarder l’océan et la pluie tomber en écoutant du blues. » (p. 39-40)


L’avis de Quatre Sans Quatre

Ça ne chôme pas du côté de la PJ de Brest, où sa cheffe, Léanne Vallauri, toujours en compagnie de ses deux amies d’enfance, Vanessa, la psychiatre, et Élodie, médecin légiste, enchaîne une quatrième enquête en moins d’un an. Après Avec le chat pour témoin (Palémon), L’île abandonnée (Palémon) et Larmes de fond (Filature(s)), voici les « Trois Brestoises » affairées du côté de Penmac’h dans Vie et mort d’une légende bigoudène. Une ancienne et richissime gloire du rock locale, au succès international, Robert Letourneur, soixante-dix-huit ans, a été retrouvé ligoté, torturé avec sauvagerie, et finalement assassiné chez lui. Plusieurs guitares ayant appartenu à des célébrités de la pop music ont disparu, ainsi que des raretés de disques vinyles, la plupart dédicacés, le tout de très grande valeur.

Ex-vedette de la scène des années soixante, des balbutiements du rock, avec son groupe, Bobby et les Guépards, Robert Letourneur s’était assez vite tourné vers la composition et l’écriture de chansons de variété pour les plus grands, ce qui lui avait permis d’accumuler une fortune considérable. Il habitait et travaillait dans une magnifique villa, donnant sur l’océan, qu’il avait transformée en studio ultramoderne et qui abritait ses collections. Charmant, discret, Letourneur ne faisait pas parler de lui et recevait peu de monde. Quelques anciens du coin, de moins en moins nombreux, se souvenaient de sa période sur scène, certains avaient même joué avec lui, mais aucun ennemi connu ne venait simplifier la tâche des policiers.

L’enquête devrait revenir aux gendarmes du lieutenant-colonel Erwan Caroff, le crime a eu lieu dans sa zone, mais Lisa-Marie, la fille de Letourneur, possède quelques connaissances influentes dans la capitale et a insisté pour que ce soit Léanne et son groupe qui soit en charge du dossier. C’est ce que lui indique Marie Evano, la procureure, même si les deux femmes sont en compétition à propos de l’officier de gendarmerie, amant officiel de la magistrate, tout en n’hésitant pas à faire quelques écarts en compagnie de Vallauri...

Les journées et les nuits sont chargées pour Léanne et son groupe. Un nouveau venu a rejoint le groupe, venu de la région parisienne, Théo Dougnac, et celui-ci semble décidé à s’imposer rapidement. Tête brûlée, il ne tient aucun compte des remarques de sa hiérarchie, profite de l’indic’ personnel de la commandante, Guénolé Le Gall, pour sortir des affaires de stups alors que le groupe est déjà bien occupée par le meurtre de Letourneur et la recherche des objets volés, qui ne devraient pas tarder à réapparaître dans les filières obscures d’Internet. Ce renfort tant réclamé va très vite exaspérer Léanne, ce qui n’est jamais une bonne idée.

Outre les intrigues policières mêlées, trafic de drogue et meurtre de Letourneur, ce polar est bien évidemment l’occasion pour Pierre Pouchairet d’évoquer l’histoire du rock dans le Finistère. Malgré son éloignement des grands centres urbains, la région fut pendant longtemps en pointe dans la diffusion et l’organisation d’événements (concerts, festivals) liés à cette nouvelle musique. De très nombreux groupes, inspirés par les glorieux aînés anglo-saxons, y virent le jour faisant de la région un bouillon de culture du rock.

Léanne est épuisée, et pas uniquement par les filatures, les écoutes et planques interminables, les fusillades, les interpellations musclées, mais également par le manque de sommeil. Sa colocataire et amie, Vanessa, a accouché et le bébé pleure toutes les nuits, ce qui n’améliore pas l’humeur de la policière, déjà rarement au beau fixe. L’affaire Letourneur va se révéler moins simple qu’il n’y paraît, un crime de rôdeurs ciblant les personnes âgées, et tout se complique avec le comportement erratique du nouveau et les arrivées, à chaque marée haute, de paquets de cocaïne dans la baie de Douarnenez...

Un nouveau polar vitaminé et iodé, donc, aux accords de blues et de rock, sur fond de crime sordide et de souvenirs des sixties au menu des Trois Brestoises, décidément infatigables !


Notice bio

Pierre Pouchairet est né en 1957. Il a été commandant de la police nationale puis chef d’un groupe luttant contre le trafic de stupéfiants à Nice, Grenoble ou Versailles… Il fût également à plusieurs reprises en poste dans des ambassades, a représenté la police française au Liban, en Turquie, a été attaché de sécurité intérieure à Kaboul puis au Kazakhstan. Aujourd’hui à la retraite, il partage son temps entre l'Île-Tudy et Yaoundé. Il a publié en 2013 un livre témoignage, Des Flics Français à Kaboul, puis Coke d’Azur en 2014. La même année sort son premier polar, Une Terre pas si sainte, édité par Jigal Polar, suivi par La Filière Afghane (2015), À L'ombre Des Patriarches (2016), La prophétie de Langley (2017) chez le même éditeur. Il obtient le très convoité Prix du Quai des Orfèvres 2017 pour Mortels Trafics publié, c'est une tradition, par les éditions Fayard en novembre 2016. En 2018, est sorti chez Plon, Tuez-les tous... mais pas ici, dans la collection Sang Neuf, finaliste du prix Landerneau du Polar, puis Mort en eaux grises publié par Jigal Polar. Sa série consacrée aux « Trois Brestoises » comprend déjà cinq romans publiés aux éditions du Palémon : Haines, La cage de l'albatros, L'assassin qui aimait Paul Bloas, Avec le chat pour témoin et L’île abandonnée, et ses héroïnes apparaissent dans un sixième, Larmes de fond, paru aux éditions Filature(s) en septembre 2020.


La musique du livre

Outre la sélection ci-dessous, sont évoqués : Johnny Hallyday, Eddy Michell, Dick Rivers, Hugues Auffray, The Beatles - She Loves You - I Wanna Hold Your Hand, Paul McCartney, Franck Sinatra, The Rolling Stones, Jimi Hendrix, Eric Clapton, The Doors, Marc Bolan, Jeff Beck, Les Compagnons de la Chanson, Gilbert Bécaud, Dario Moreno, Mouloudji, Édith Piaf, Mireille, Fats Domino, Count Basie, Duke Ellington, The Allman Brothers, Frankie Jordan, Triangle, Martin Circus, Magma, Demis Roussos, Léo Ferré, Kyle Eastwood...

Groupes locaux finistériens, fin des années 60 : les Blue Jeans, les Spirales, les Jerrys, les Cratères, les Inutiles, les Albatros, les Tillburys, les Rocky Blues, Dan ar Bras...

Sans compter quelques 40 titres, composant la set-list du concert des trois Brestoises à l’issue de cette enquête, que vous trouverez en fin d’ouvrage.

Miles Davis - So What

The Beatles - Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band

Bill Haley and the Comets - See You Later Alligator

Antoine - Les Élucubrations

Magma - Kobaïa

Les Chaussettes Noires - Eddie sois bon


VIE ET MORT D’UNE LÉGENDE BIGOUDÈNE - Pierre Pouchairet - Éditions du Palémon - 390 p. décembre 2020

photo : Pexels pour Pixabay

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