DTC #1 - Fétiches, le dernier thriller de Mo Hayder

Publié par Psycho-Pat le 19/01/2014
DTC ? Dans ton canapé voyons !
Que faire un dimanche pour se remettre de sa cuite de la veille, du déjeuner roboratif familial ou d'une semaine laborieuse pleine d'emmerdes? (Rayer les mentions inutiles)
Quatre Sans Quatre a décidé de vous aider à faire face à cette dramatique question grâce à sa toute nouvelle série DTC ! Non, non, cet acronyme n'est pas une façon de prendre le problème à revers, ce sont juste les initiales de Dans Ton Canapé, c'est encore là que nous sommes le plus à même de passer cette terrible frontière floue entre la semaine précédente et la suivante.
Vous donner des envies de lecture, de séries ou autres afin d'éliminer le stress accumulé depuis lundi dernier et de vous préparer à en ramasser de pleins paniers dès demain ;-)
Pour inaugurer DTC, nous allons faire un petit tour d'horizon des thrillers ayant pour cadre la maladie mentale et les structures psychiatriques à travers le vaste monde.
Pas exhaustif, certes, il y en a à foison, juste un survol en 5/6 épisodes. Du récent et de l'un peu moins, les romans ne sont pas de l'actu, leurs qualités et leur pertinence tiennent du talent de l'auteur et ne s'altèrent pas avec le temps.
La folie est souvent en balance dans ce style littéraire avec le concept de mal absolu intrinsèque, dissocié, donc, du vécu personnel et social du massacreur patenté qui sévit de page en page. Le serial killer y est décrit soit comme un barjot total soit comme un psychopathe entièrement responsable de ses actes (tout en étant quand même passablement disjoncté) mais il y a heureusement des auteurs un peu plus subtils et nuancés.
La psychiatrie et ses institutions font aussi désormais partie du paysage, certains établissements devenant de véritables personnages à part entière du bouquin et rarement en raison des soins qui y sont dispensés. Reflex et Nocturnes, déjà présentés sur Quatre Sans Quatre auraient d'ailleurs eu leur place dans ce panel.
Fétiches de Mo Hayder
C'est parti pour le premier épisode et nous ouvrons sur cette chère Mo Hayder et son dernier opus Fétiches. Oui, oui, celle qui scotcha tout le monde à l'orée du XXI ème siècle avec ses deux premiers ouvrages, Birdman (2000) et L'homme du soir (2002) et en rajouta une couche inaltérable dans la foulée grâce à son chef d’œuvre Tokyo (2005).
Neuf livres à son palmarès et Fétiches est la septième aventure de l'inspecteur Jack Caffery. Aventure à double détente puisqu'il nous livre un récit tout à fait indépendant et l'issue de la situation inextricable où étaient plongés Caffery et Phoebe « Flea » Marley à la fin du précédent bouquin Les Lames qui datait déjà de deux ans.
Le pitch
AJ (de Average Joe, le type moyen), cadre infirmier dans un établissement psychiatrique anglais de haute sécurité, Beechway, doit faire face à une sorte d'hallucination collective récurrente au sein de l'hôpital. Patients et personnel y voient roder le fantôme de La Maude, une ancienne infirmière naine sadique, morte en 1893, qui avait la mauvaise habitude de s'asseoir sur la cage thoracique de ses malades récalcitrants.
Rafale d'arrêts de travail chez les salariés, automutilations, suicides et délires pour les pensionnaires, la situation devient vite intenable pour lui qui soupçonne un des malades, Isaac Handel, proche de la sortie, d'être à l'origine de la manipulation. Aidé de la directrice de Beechway, Melanie Arrow, AJ va essayer de démêler le vrai du faux avant de faire appel à l'inspecteur Jack Caffery croisé dans un séminaire.
Quand Jack Caffery mord dans une affaire, il ne lâche jamais, quitte à aller fouiller dans le plus lointain passé mais il n'oublie jamais que « les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être », avec Mo Hayder, on pourrait même dire qu'elles ne le sont jamais.
L'avis de Quatre Sans Quatre
Comme dans toute l’œuvre de Mo Hayder, Fétiches n'échappe pas à son atmosphère lourde, poisseuse, quasi matricielle. L'auteure aime particulièrement ce qui enferme : la plongée, les grottes, les arbres creux, elle ne pouvait qu'être à son affaire dans un hôpital de haute sécurité et elle s'en donne à cœur joie.
Un merveilleux personnage sert de fil rouge à ce récit, celui de Mère-Monde, une délirante pensant pouvoir se soustraire aux regards en quittant sa peau qu'elle abandonne dans un coin pour mieux se cacher dans un autre.
Mère-Monde est, dans son esprit, la mère de tous et, à ce titre, responsable de tous ces enfants/personnages, une belle allégorie de l'auteure elle-même ! « Mère Monde a donné naissance à quelques êtres épouvantables et chacun d'eux n'en fait pas moins partie de sa progéniture. Elle est responsable de tous, bons ou mauvais. » On retrouve dans Fétiches les marottes de Mo Hayder, sa fascination pour la sorcellerie, ici les poupées vaudous, et les univers étranges aux frontières du paranormal.
Certes la violence est moins tape à l'oeil dans Fétiches que sur ses deux premiers romans, le rythme est plus lent, plus insinueux, rampant mais tout aussi efficace. Pour savourer pleinement ce roman, il est souhaitable d'avoir lu (même si ce n'est pas obligatoire), les 6 autres épisodes de la saga Caffery.
Mo Hayder construit une œuvre, tome après tome, brique après brique et il est passionnant de pouvoir l'accompagner sur ce chemin en la suivant tout au long de ses étapes, fussent elles moins puissantes que les précédentes mais tout aussi essentielles.
Fétiches est un excellent trhiller, il se suffit à lui-même mais il est également l'aboutissement (temporaire) d'une longue saga qu'il convient de parcourir au rythme de son auteure.
Notice bio
Mo Hayder est née à Londres en 1962. Elle quitte sa famille dès 16 ans, vit de petits jobs et traîne dans les lieux branchés de la capitale anglaise. Arrivée au Japon à 26 ans, elle y est profondément déçue par la vie quasi monastique qu'elle y mène, ne sortant que pour aller travailler.
Elle arrive aux États-Unis deux ans plus tard et étudie le cinéma, son travail y est déjà jugé trop violent. Revenue en Angleterre, elle exercera comme garde du corps avant de se consacrer à l'écriture. Comme Burgess, elle est profondément marquée par les violences subies par plusieurs de ses proches et ces traumatismes servent de terreau à son écriture.
Bonus
En bonus, le trailer de Fétiches et Mo Hayder himself présentant Rituel (2008)
Fétiches – Mo Hayder – Presses de la Cité – 423p. Septembre 2013
Traduit de l'anglais par Jacques Martinache