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Polar :
Cyber China de Qiu Xiaolong, corruption et réseaux sociaux en Chine

Polar : Cyber China de Qiu Xiaolong, corruption et réseaux sociaux en Chine sur Quatre Sans Quatre

Lire un Qiu Xiaolong, c'est déjà voyager, changer de mode de pensée et de voir mais c'est aussi se régaler d'enquêtes alambiquées et délicieusement exotiques.

Il écrit de véritables documentaires sur la société chinoise si loin de nous et nous rappelle que la liberté d'expression n'est pas naturelle, qu'elle se gagne et, surtout, qu'elle est un bien précieux qu'il faut défendre.

Cyber China se déroule au milieu d'une campagne de dénonciation de la corruption sur internet par les activistes et démontent les rouages de la répression d'état et les soubresauts des acteurs impliqués.

Doublement intéressant par l'énigme elle-même et ce regard sur un pays aux relations sociales complexes et ultra-hiérarchisées.


Le Pitch

Le directeur de la commission d'urbanisme de Shangaï Zhou Keng est retrouvé pendu dans la chambre d'un hôtel de luxe où il était en résidence surveillé (shuanggui) suite à une campagne internet dénonçant le hiatus entre le train de vie qu'il affiche et la frugalité dans laquelle devrait vivre un cadre du parti communiste.

L'inspecteur Principal Chen est mis sur l'enquête en qualité de conseiller pour superviser l'inspecteur Wei. Deux officines de police étant déjà sur place pour interroger Zhou, l’irruption de Chen et Wei va compliquer encore un peu le tableau, sans compter les interventions des responsables du parti, des services de renseignements, de la police du net (wang guan) et l'alliance de circonstance entre Chen et la jeune journaliste Lianping.

Il va falloir toute la maestria de Chen pour se faufiler dans ce panier de crabe sans trop de dommages et résoudre cette énigme de crime en vase clos. Dire que tout cela découle d'une photo sur un article montrant que Zhou fumait des cigarettes scandaleusement onéreuses...vraiment dangereux le tabac en Chine...


L'avis de Quatre Sans Quatre

Suivre l'inspecteur principal Chen dans ses raisonnements est un plaisir d'esthète et un dépaysement total. Les méandres de l'affaire se perdent entre les intérêts multiples et opposés de la vérité, des autorités en place, des pouvoir locaux et des luttes entre factions à Pékin, le tout sur un fond de citations des grands poètes chinois qui guident le héros dans ses pensées et raisonnements.

Un régal pour qui accepte de perdre ses repères et se laisse aller à suivre Chen comme un guide dans une société dont il ne maîtrise pas les codes. Impossible de lire Qiu Xiaolong sans évoquer le Juge Ti de Van Gulik, c'est le même plaisir et un peu la même atmosphère à treize siècles de distance toutefois, la Chine a profondément changé tout en restant la même.

Indispensable pour mieux comprendre le profond traumatisme de la révolution culturelle, la vie quotidienne à Shangaï, les problèmes de logement, les arcanes d'une société dominée par un parti unique et une dichotomie idéologique entre le socialisme proclamé et le libéralisme pratiqué.

Cyber China décrit précisément les sursauts de révolte des citoyens via le net et les réseaux sociaux, nous plonge dans une traque que nous ne connaissons pas(encore) en occident. Magnifiquement écrit dans une langue choisie, chaque livre de Qiu Xiaolong est une confiserie acidulée à déguster !


La notice bio

Qiu Xiaolong est né à Shangaï en 1953. Son père est victime des Gardes Rouges et lui-même est interdit de cours durant la Révolution Culturelle initiée par Mao en 1968 pour éliminer les intellectuels et les factions du Parti qui le gênaient.

Il demeure aux Etats-Unis depuis les événements de la Place Tien'anmen. Il est l'auteur de 9 romans policiers dont le dernier Dragon Bleu, Tigre Blanc vient d'être publié chez Liana Lévi.


Weibo

C'est sur ce réseau social proche de notre Twitter que les internautes chinois communiquent leurs remarques, découvertes et scoops sur les dérives du régime et de ses cadres. C'est de là que part la disgrâce du camarade Zhou.


La musique du livre

L'Orient est rouge bien sûr, l'hymne des gardes rouges en l'honneur de Mao et la symphonie N°5 de Mahler que Chen va écouter en compagnie de sa nouvelle amie journaliste

Cyber China – Qiu Xiaolong – Liana Levi – 279 p. mai 2012

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Adélaïde Pralon

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