Quatre Sans Quatre

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Roman Graphique :
PEPE CARVALHO – LA SOLITUDE DU MANAGER de Migoya & Segui

Roman Graphique : PEPE CARVALHO – LA SOLITUDE DU MANAGER de Migoya & Segui sur Quatre Sans Quatre

Quatre Sans… Quatrième de couv…

Au cours de cette nouvelle enquête, Pepe Carvalho est rattrapé par l'époque où il était agent de la CIA. Il se remémore cette rencontre, lors d'un voyage aux États-Unis, avec un certain Antonio Jaumà, manager de la branche espagnole d'une multinationale nommée Petnay.

De l’eau a coulé sous les ponts depuis ses années de jeunesse et voici qu'il se retrouve avec le cadavre de Jaumà, découvert sans slip mais une petite culotte dans la poche. L'affaire semble claire : règlement de comptes autour d'un trafic de filles.

Rien que de très normal, le défunt appréciait l’amour tarifé.

Rien de moins sûr : l'Espagne émerge à peine de la longue nuit franquiste et s’éveille à la démocratie ; elle abrite encore trop d'individus prêts à tout risquer pour conserver certains privilèges et pour que rien ni personne ne vienne gâcher la fête sur leur territoire.

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L’avis de Quatre Sans Quatre

Après Tatouage (éditions Le Sycomore – 1972), premier album de la série, et titre du premier roman de Manuel Vázquez Montalbán dans lequel apparaît son détective fétiche Pepe Carvalho, Hernán Migoya, pour le scénario, et Bartolomé Seguí Nicolau, au dessin, s’attaquent au second volume du privé catalan. Une enquête aux ramifications internationales au cours de laquelle Carvalho sera amené à puiser dans ses souvenirs de jeunesse.

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Il a en effet déjà rencontré la victime, lorsqu'il travaillait encore comme agent de la CIA. Antonio Jaumà et lui avait voyagé sur le même vol intérieur américain puis s'était revu par le suite. Jaumà a été retrouvé assassiné d’une balle dans le dos, pantalon baissé, sans slip mais avec une culotte dans la poche. Amateur de parties fines et de prostituées, la police pense immédiatement à un trafic de filles, d’autant que la façon dont a été tué Antonio semble indiquer qu’on a eu recours à un professionnel. Pourtant Pepe se souvient que cet homme, en plus d’être un cadre important d’une grande société, ne se résumait pas qu’à son goût pour les bordels. Il traînait avec lui lors d'un dîner à San Francisco un autre personnage important de son entreprise, un certain Rhomberg à qui Pepe aimerait bien parler. L’épouse de Jaumà ne croit pas à la vie dissolue de son mari, elle soupçonne autre chose lié à son travail, et n’hésite pas à embaucher Pepe, ce qui ne l’empêchera pas de se montrer bien énigmatique au fur et à mesure que l’enquête avancera.

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Pepe Carvalho va orienter ses investigations vers Petnay, la multinationale dans laquelle la victime travaillait, sans pour autant ignorer toutes les autres pistes possibles. Ce qui va, bien entendu lui causer quelques soucis pour sa sécurité et celles de ses proches, Bisooter, son homme à tout faire, surtout la cuisine, et Charo, sa maîtresse, prostituée indépendante à Barcelone. Qui donc avait intérêt à faire taire le cadre de Petnay et pourquoi les flics semblent ne s’intéresser qu’à la piste des réseaux de prostitution ?

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Dans l’Espagne du début des années 70, alors que le franquisme vient à peine de s'achever, que l’espoir d’un passage à la démocratie s’intensifie, la police et les politiciens sont encore tout-puissants, les investigations du détective sur une très grande entreprise, et ses éventuelles malversations, ne vont pas lui attirer que des sympathies. Comme dans tout bon polar, les bagarres fleurissent, les coups fourrés idem, jolies filles et ambiances glauques se succèdent, soupçons, personnages louches et mystères également.

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L’univers de Montalbán est superbement rendu, aussi bien les ruelles du Barrio Chino que les scènes d’intérieur. Passé et présent entremêlés, au point de parfois se perdre un temps, font de ce récit une intrigue tentaculaire dans laquelle le privé doit faire appel autant à se mémoire qu’à ses capacités de déduction.

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Fidèle à ses manies, Pepe suit tous ses rituels, il brûle un livre, déguste, en fin gastronome, les plats préparés par Biscooter, rencontré à la prison de Lleida. L’atmosphère de répression sauvage et l’arbitraire des dernières années de la dictature est particulièrement bien rendue, ainsi que la dimension sociologique et politique, complexe, de l’œuvre de Manuel Vázquez Montalbán. Le dessin précis, vif, transcrivant mouvements et intensité des émotions, se marie à la perfection au scénario qui a su tirer l’essentiel du roman original. Le jeu sur les couleurs afin de fixer les séparations entre les différentes phases - passé, présent, rêve - fonctionne bien et rend la lecture vraiment très agréable.

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La bonne nouvelle, c’est qu’il existe 16 romans narrant les enquêtes de Pepe Carvalho, et donc que nous allons avoir encore, peut-être, 14 nouvelles occasions de le suivre dans ces adaptations. À noter quelques pages, dessinées bien sûr, en fin de volume, un petit bonus bienvenu, racontant comment Pepe Carvalho retrouve Biscooter une fois sorti de prison.

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Une excellente adaptation du second volume des enquêtes de Pepe Carvalho, un polar très sombre, à la fois social et politique, dans la Barcelone du début des années 70.


Notice bio

Hernán Migoya est né en Espagne en 1971. Il est à la fois écrivain, metteur en scène et scénariste de bandes dessinées. En 2009, à l’occasion du Salon international du film comique de Barcelone, il a été récompensé par le prix du meilleur scénariste pour Je suis un pantin. Auteur d’une biographie de Charles Williams, célèbre auteur américain de romans noirs, il a signé le scénario de Rapt à Lima, un album dessiné de Joan Martin et publié en France par Sarbacane en 2013.

Bartolomé Seguí Nicolau est né à Palma de Majorque en 1962. Il a commencé sa carrière de dessinateur au milieu des années 80 dans des revues espagnoles comme El Vibora ou El Jueves. Auteur de plusieurs albums et illustrateur de livres pour enfants, il a publié chez Dargaud trois bandes dessinées remarquées, écrite par Cava : Les serpents aveugles (prix de la meilleure œuvre et prix du meilleur scénario au Salon de la bande dessinée de Barcelone en 2009), Les Racines du chaos et Les Mains obscures de l’oubli.


La musique du livre

Dean Martin – You’re Nobody Till Somebody Loves You

Valencien Raimon – Lo Jorn Ha Por De Perdre Sa Claror

Siri Vik – You Took Advantage of Me

Plácido Domingo - El Trust de los Tenorios – Te Quiero Morena


PEPE CARVALHO – LA SOLITUDE DU MANAGER – Scénario : Hernán Migoya – Dessin : Bartolomé Seguí Nicolau - Éditions Dargaud – 80 p. mars 2020
Traduit de l’espagnol par Denise Laroutis et Christilla Vasserot

Toutes les illustrations sont extraites de l'oeuvre avec l'aimable autorisation des éditions Dargaud.

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