DTC #8 - Terminus Belz de Emmanuel Grand, Ankou et mafia roumaine

Publié par Psycho-Pat le 09/03/2014
Mais qu'est ce donc que ce sigle DTC ? Disons que c'est un petit feuilleton à thème pour vous aider à passer un agréable après-midi de dimanche. Tous les détails ici
Changement de thème aujourd'hui, après les institutions psychiatriques dans les polars et thrillers, je vous propose un panorama des nouveaux auteurs français qui pointent brillament leur nez avec un premier roman remarquable.
Il y en a pas mal en ce début d'année et c'est tant mieux, le genre se renouvelle, s'adapte à la société et des vocations naissent. Olivier Norek qui nous a gentiment accordé une interview aurait tout à fait eu sa place dans cette série avec Code 93 d'ailleurs.
Commençons donc avec un premier roman tout à fait surprenant, dans le très bon sens du terme ! Emmanuel Grand signe, avec TERMINUS BELZ, son premier polar et a choisi d'isoler son héros sur une île du Morbihan au milieu d'une population naturellement tournée vers la pêche (et sur elle-même), un métier rude où on cherche plus à survivre qu'à gagner le pactole.
Mais ce huis-clos est relatif, les tribulations des mafieux à sa poursuite ajoute une touche de road-movie sanglant qui aère l'atmosphère lourde du petit bout de lande pétri de légendes perdu au milieu d'un océan rarement accueillant.
Le pitch
Marko Voronine, Vassili, Anatoli, trois jeunes ukrainiens, fuient Odessa pour le rêve européen en compagnie de la très jeune Iryna et font pour cela appel à la mafia roumaine.
Bien évidemment, les deux salopards qui accompagnent la petite troupe va vouloir en cours de route profiter de la jaune fille mais les 3 migrants trouvent les ressources pour lui venir en aide et éliminer les malfrats.
Plus que pour le mirage d'une meilleure vie, c'est pour leur peau tout court qu'il va leur falloir courir. Ils se séparent pour multiplier leur chance. Marko arrive sur l'île de Beltz pour occuper un emploi sur un chalutier.
Un meurtre va venir perturber la petite communauté et le commissaire Fontana, nouvellement nommé, va mollement mener l'enquête.
L'avis de Quatre Sans Quatre
Un bel exemple de mélange réussi entre une intrigue policière et un brin de fantastique. Les références à l'Ankou et autres légendes bretonnes ne détonnent pas, elles font partie intégrantes du paysage et viennent naturellement apporter un plus au récit.
Qui a déjà fréquenté la lande bretonne la nuit sans entendre les roues du chariot de l'Ankou ? Les légendes de ce pays sont dans chaque pierre et surgissent d'autant plus volontiers que le stress augmente, rien d'étonnant à ce qu'elles refassent surface dans le contexte terrible de l'île.
Les personnages sont attachants et réalistes, le libraire déjanté et alcoolo, les marins teigneux et alcoolos (ben tiens, on est en Bretagne;-), le curé qui manipule tout le monde avec ses airs de ne pas y toucher, Dragos, le tueur psychopathe arrogant envoyé pour « régler » le problème, leurs portraits sont précis, fouillés. Ils ont tous une face cachée, un poids qui les empêche de vivre et le drame qui se noue peu à peu va boucler les boucles, achever des cycles et permettre de résoudre les non-dits.
L'écriture est habile, sans pathos inutile ni grandiloquence fatigante. Le paysage vit sous la plume d'Emmanuel Grand, on ne s'y sent pas bien, c'est une tragédie et l'île vit, les héros s'animent au rythme des phrases de l'auteur. Un suspense soigneusement entretenu, savamment dosé qui ne laisse aucun répit jusqu'à la catharsis finale
Le rejet de l'autre, la bêtise, la réalité brutale à laquelle est toujours confronté l'immigré dans une communauté aussi réduite qui le transforme vite en bouc émissaire lorsque les événements tournent mal sont intelligemment et humainement dépeints et utilisés Marko va traverser tout cela pour une forme de rédemption salvatrice, il va aller au bout de sa peur et les autres protagonistes au bout de leur propre chemin implacablement balisé par Emmanuel Grand.
Un auteur à suivre et un bouquin à lire, deux actus pour le prix d'une !
Notice bio
Emmanuel Grand est né à Versailles en 1966 et a passé son enfance en Vendée. Il vit aujourd'hui dans la région parisienne où il est responsable du design du site web d'un grand opérateur téléphonique. Les droits de Terminus Belz ont été cédé à l'étranger avant même sa parution en France.
La musique du livre
Pas grand chose de ce côté mais tout de même l'occasion de ré écouter Steppenwolf et le grand Beethoven, c'est déjà beaucoup et la qualité du polar en prime
Terminus Belz - Emmanuel Grand - Liana Levi - 363 p. - janvier 2014